Une meilleure estimation de la montée des eaux dans le delta du Gange

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Pour la première fois, des scientifiques fournissent des estimations fiables, à l’échelle régionale, de l’affaissement des terres et de la montée des eaux dans le delta du Gange, du Brahmapoutre et de la Meghna. Selon les régions du delta, la montée des eaux pourrait atteindre 85 à 140 cm en 2100. Ce travail, publié dans PNAS le 6 janvier 2020 par des scientifiques du CNRS, de l’IRD, du BRGM, des universités de La Rochelle et des Antilles, de l’université d'ingénierie et de technologie du Bangladesh et de l’université d’État de l’Ohio1 , devrait nourrir études d’impact et plans d’adaptation.

  • 1Laboratoires impliqués : laboratoire Littoral, environnement et sociétés (CNRS/La Rochelle Université), Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (CNRS/IRD/CNES/Université Toulouse III – Paul Sabatier), Laboratoire de recherche en géosciences et énergies (Université des Antilles), BRGM Orléans, Institute of Water and Flood Management (Bangladesh University of Engineering and Technology), ainsi que l’Université d’Ohio (États-Unis) et l’Académie chinoise des sciences.

C’est le delta le plus vaste et le plus densément peuplé au monde2 , l’un des endroits les plus vulnérables au changement climatique… pourtant, l’amplitude et l’impact de la montée des eaux restent mal connus pour le delta du Gange-Brahmapoutre-Meghna. Cette zone, qui couvre les deux tiers du Bangladesh et une partie de l’Inde orientale, est déjà régulièrement sujette aux inondations, favorisées par l’intensité des précipitations de mousson, l’élévation du niveau marin, le débit des fleuves et l’affaissement du sol. Il est cependant difficile de démêler ces différentes contributions. Par ailleurs, les prévisions réalisées jusqu’à présent se basent sur des mesures très locales du niveau des eaux.

Pour pallier ces difficultés, les chercheuses et chercheurs ont analysé les relevés mensuels de 101 stations mesurant le niveau des cours d'eau ou de la mer dans le delta. En agrégeant les données par zone géographique pour filtrer les effets locaux et compenser les différences de qualité entre stations, ils ont obtenu des estimations robustes des variations du niveau des eaux. Entre 1968 et 2012, il a augmenté de 3 mm/an en moyenne, soit légèrement plus que l'élévation moyenne du niveau marin à l'échelle mondiale (2 mm/an durant la même période).

Ils ont ensuite estimé la contribution de l’affaissement du sol, obtenue en soustrayant au niveau marin absolu3 les mesures du niveau d’eau relatif obtenues précédemment. D’après leurs calculs, entre 1993 et 2012, le sol s’est affaissé au maximum de 1 à 7 mm/an dans le delta. Bien que non négligeables, ces valeurs sont inférieures à certaines mesures locales (par exemple de 1 à 2 cm/an à Dhaka) qui étaient jusqu’à présent prises comme référence.

Si l'affaissement se poursuivait à la même vitesse, et même dans un scénario de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la montée des eaux dans le delta pourrait atteindre à la fin du siècle 85 à 140 cm, selon les zones, par rapport à la période 1986-2005. Soit le double des projections données par le dernier rapport du GIEC, qui ne prenaient pas en compte l’affaissement des sols.

Ce travail devrait permettre de mieux anticiper la montée des eaux dans le delta du Gange-Brahmapoutre-Meghna, et ainsi d’affiner les études d’impact et les scénarios d’adaptation possible pour ses 200 millions d’habitants.

image satellite montrant la zone étudiée
Le delta du Gange, du Brahmapoutre et de la Meghna vu le satellite Envisat de l’Agence spatiale européenne (ESA). L'image, acquise le 8 novembre 2003, couvre environ 633 km sur 630 km avec une résolution spatiale de 300 mètres. © ESA, CC BY-SA 3.0 IGO
www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2005/03/The_Bangladesh_coastline_seen_by_Envisat

 

  • 2Plus de 1000 habitants par km².
  • 3Réalisées par satellite depuis les années 1990, selon la technique d’altimétrie radar.
Bibliographie

Water level changes, subsidence, and sea level rise in the Ganges–Brahmaputra–Meghna delta, Mélanie Becker, Fabrice Papa, Mikhail Karpytchev, Caroline Delebecque, Yann Krien, Jamal Uddin Khan, Valérie Ballu, Fabien Durand, Gonéri Le Cozannet, A. K. M. Saiful Islam, Stéphane Calmant et C. K. Shum. PNAS, 6 janvier 2020. DOI : 10.1073/pnas.1912921117

Contact

Mélanie Becker
Chercheuse CNRS
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS