SociologieS

Nouveaux rapports de pouvoir et formes actuelles de domination, 20 février 2013

Revue de l’Association internationale des sociologues de langue française, SociologieSpublie des articles émanant de sociologues du monde entier pour mettre en regard des éléments de la production sociologique entre des espaces institutionnels et culturels différents. Elle favorise l’ouverture à la diversité des courants théoriques et des perspectives méthodologiques, à travers sa rubrique « Théories et recherches » ; elle a l’ambition de faire le point sur des questions qui traversent la sociologie francophone à travers ses « Dossiers ». Ouverte aux jeunes chercheurs grâce à « Premiers textes », aux expériences originales dans sa rubrique « Expériences de recherche », elle a aussi l’ambition de dynamiser l’espace scientifique francophone grâce à la traduction en français ou à la reproduction de textes anciens ou oubliés (« Découvertes/redécouvertes ») ou en suscitant le débat sur des enjeux théoriques, méthodologiques ou institutionnels (rubrique « Débats »). SociologieS est une revue électronique en libre accès, diffusée sur revues.org, elle publie des articles en flux continu.

Ce qui fait société en tout premier, ce sont les relations asymétriques qui s’établissent entre les individus et il importe de décrire ces rapports asymétriques dans ce qui peut présenter une modernité. Quelles formes prennent les relations de pouvoir et quelles descriptions donner aux citoyens de manière à leur faciliter l’appréhension du monde dans lequel ils vivent ? Voit-on se dégager des mouvements qui se recoupent entre eux, ou devons-nous nous résigner à ne plus pouvoir tenter de représentation de la société dans son ensemble ? Voici quelques-unes des questions posées dans ce dossier spécial "Nouveaux rapports de pouvoir et formes actuelles de domination".

Le dossier s’ouvre par une réflexion d’André Petitat qui renvoie la domination au fonctionnement mental de l’individu, ce qui lui permet de se situer dans la longue durée. Il s’interroge sur la place de la violence dans les rapports de domination, comme sur la place des rapports économiques sur les représentations : des changements profonds affectent ces trois dimensions qu’il importe d’intégrer dans notre vision.

Daniel Mercure s’interroge ensuite sur la manière dont les organisations imposent la domination dans les rapports de travail. Il décrit le modèle fordiste comme un contrat entre le salarié et la société. Puis, il montre que ce contrat a disparu dans une logique où l’injonction de flexibilité modifie les rapports de travail et pousse le travailleur à s’autonomiser en intégrant lui-même les objectifs de l’organisation, une forme d’autonomie aliénée.

Certaines parties du monde tendent à échapper encore à ces nouvelles formes de domination.
C’est le cas de la société congolaise qui, selon Gilbert Malemba N’Sakila, ne s’est pas encore constituée en véritable société nationale et vit donc des formes de pouvoir et de domination de type principalement claniques, tribales ou ethniques. Des acteurs des groupes ethniques dominants confisquent le pouvoir au profit de la « parentocratie » ou l’appartenance à leur parenté.

En Chine, Zheng Lihua prend l’exemple de l’application des normes ISO pour montrer la résistance spécifique aux modes nouveaux de domination. Il montre la capacité des industriels chinois à s’approprier ces normes non pour uniformiser le système mondial de production mais pour constituer un modèle chinois capable d’absorber des idées de gestion étrangères tout en les faisant participer d’un modèle de gestion plus chinois que mondial.

De son côté, Laurence Roulleau-Berger traite la question des nouvelles dominations à partir des frontières sociales, économiques et morales dans les sociétés européenne et chinoise, frontières qui ne cessent de se durcir avec la multiplication des inégalités. Sur ces frontières intérieures naissent de nouvelles formes d’action collective qui expriment des conflits, et simultanément s’élaborent de nouvelles économies morales fondées sur le souci d’autrui.

Pour Jan Spurk, un consensus s’installe massivement aujourd’hui qui rend irréversibles les nouvelles formes de domination. L’acceptation par chacun d’un consensus sur le fonctionnement de la société serait tel qu’il n’y a plus de projet de transformer la société, tout au plus des révoltes qui expriment un désespoir devant l’état de fait, et une forme d’échappatoire de plus en plus utilisée, la possibilité pour chacun de se retirer dans son quant à soi.

C’est Jean Ruffier qui termine par l’ébauche d’une réflexion appelant à revenir à une sociologie critique pour permettre aux citoyens du monde d’identifier leur nouvelle classe dominante et de lui faire contrepoids avant qu’elle ne soit devenue trop puissante. Il fait notamment référence à l’apparition d’une nouvelle classe sociale de très très riches qui profitent de l’absence de gouvernance liée au recul des États.

 

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