8 000 ans d’évolution des littoraux révélés par la géoarchéologie
Il y a 8 000 ans, le littoral de la vallée de l’Hérault était situé douze kilomètres à l’intérieur des terres. Depuis cette époque, le littoral s’est profondément transformé par l’action combinée de la mer, du fleuve et des hommes, créant des lagunes, des plages et des dunes dont la majorité sont aujourd’hui enfouies. Ces paysages littoraux sont étudiés et reconstitués par une équipe pluridisciplinaire réunissant géomorphologues, archéologues et paléoenvironnementalistes, dans le cadre du projet Dylitag (Dynamique littorale en agathois) financé par le LabEx ARCHIMEDE et la DRAC Occitanie. Les résultats de ses travaux viennent de donner lieu à une publication dans la revue Quaternary Science Reviews.
L'élévation du niveau de la mer, l’activité humaine et les changements climatiques ont profondément affecté les environnements côtiers durant l'Holocène. La basse vallée de l'Hérault a enregistré ces forçage climatiques, géomorphologiques et anthropiques ainsi que leurs impacts sur les paysages littoraux. Ce territoire est particulièrement représentatif pour la Méditerranée en raison de l’utilisation très précoce, intense et continue des terres depuis le Néolithique et de sa sensibilité à l'élévation du niveau de la mer.
L’étude de trente-quatre carottages et de soixante-une datations radiocarbones par spectrométrie de masse par accélérateur (AMS), associées à des analyses biologiques et géochimiques, ont permis à une équipe de chercheurs du laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes1 et du Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement2 de reconstituer avec précision l'évolution des paysages littoraux de la basse vallée, offrant ainsi la paléo-cartographie la plus détaillée à ce jour d’un fleuve méditerranéen.
Cette fenêtre ouverte sur le passé rend possible la mesure des phases de recul de la côte, le fleuve déposant dans la mer des sédiments qui vont, au fil des millénaires, conduire à la construction des basses plaines littorales (les deltas). Elle aide aussi à mieux comprendre les activités humaines et les sites archéologiques dans leur environnement à différentes époques.
Trois phases sont reconnues. Avant 6500 ans BP, la forme et la position du littoral sont dictées par la remontée du niveau marin et par l’activité des vagues engendrant un rivage concave qui recule vers le continent (rétrogradation). Au cours de cette phase, différents chenaux et embouchures fluviales éphémères se forment et sont successivement submergés par l'élévation du niveau de la mer. Durant la phase suivante, les sédiments colmatent progressivement la vallée ria, faisant avancer le trait de côte. Cette progradation alluviale s’exprime par la formation de différentes embouchures et par la création et le comblement de différentes lagunes peu profondes.
La construction de la plaine alluviale fertile est contemporaine du développement de l’agriculture néolithique. La grande densité d'informations collectées permet de reconnaître, pour la première fois, une morphologie deltaïque à dominance fluviale prononcée, en particulier durant l'Âge du Bronze (3000 années BP). L’utilisation des sols s’est adaptée aux changements géomorphologiques et environnementaux. Depuis 300 ans (troisième phase), le paysage littoral s’est à nouveau transformé vers une morphologie dominée par les vagues. Le cordon littoral régulier et concave se met alors en place et est à l’image du littoral contemporain.
Référence
Devillers B., Bony G., Degeai J.-P., Gasco J., Lachenal T., Bruneton H., Yung F., Oueslati H et Thierry A. 2019, Holocene coastal environmental changes and human occupation of the lower Hérault River, southern France, Quaternary Science Reviews, 222, 18.