PépiNord, une pépinière en jouvence

Présentation de PépiNord, la pépinière de revues de la Maison des sciences de l’Homme Paris Nord.

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MSH Paris Nord © Flavie Jeannin, MSH Paris Nord

La pépinière du (début du) siècle

Parmi la quinzaine de pépinières de revues que compte aujourd’hui le paysage français de l’édition scientifique publique, celle de la Maison des sciences de l’Homme Paris Nord1 fait figure d’ancienne. Et de fait, cet incubateur de revues numériques en libre accès, créé en 2007, est l’un des premiers du genre dans le paysage national. La moindre visibilité institutionnelle des pépinières, comme leur caractère novateur à cette époque, ne pousse pas l’équipe qui la manœuvre à lui donner un nom : on parle alors simplement de « pépinière de la MSH Paris Nord ».

Le contexte est marqué par la montée en puissance du numérique et de l’infrastructure OpenEdition, qui s’érige alors en alternative open access aux plateformes privées, et quasi exclusivement anglophones de l’édition savante. À ce moment de son histoire, OpenEdition Journals s’appelait encore Revues.org2 et hébergeait sur ses serveurs une centaine de revues, contre les six cent actuelles. Parmi elles, on comptait déjà la Revue de la régulation et Appareil. Ces deux pousses avaient fait leurs premières fleurs à la MSH Paris Nord.

Une pépinière en actions

Porte d’entrée et tremplin naturel vers les plateformes de diffusion de portée internationale, PépiNord a pour mission d’héberger sur son serveur et de diffuser en accès libre des revues qu’elle accompagne : de leur phase de conception — c’est le temps de l’incubation — à leur migration vers une plateforme de plus grande ampleur. De façon générale, elle s’engage pour une circulation plus ouverte et accessible des sciences humaines et sociales. Pas seulement pour en ouvrir techniquement le contenu au plus grand nombre, mais aussi pour ouvrir grand le champ des acteurs avec lesquels ces sciences, humaines et sociales, prennent langue.

Son idée sous-jacente ? Répondre bien sûr aux exigences des MSH d’inter-institutionnalité, d’inter-nationalité, mais aussi d’inter-disciplinarité et soutenir ainsi des projets indépendamment de leur appartenance institutionnelle. Mais il s’agit aussi de donner de la voix à des projets éditoriaux — naissants, renaissants, nativement numériques ou en transition vers le modèle diamant3 — qui viennent s’inscrire de manière originale dans les quatre axes scientifiques de la MSH Paris Nord. Ces axes sont : arts, industries de la culture, création ; corps, santé et société ; mondialisation, innovation, régulation ; penser la ville contemporaine.

Parmi les pépinières, cet ancrage interdisciplinaire dans quatre axes scientifiques caractérise foncièrement PépiNord et fait sa singularité. C’est en effet moins sur la base d’une proximité géographique, d’une logique de site ou d’une spécialité disciplinaire que sur celle d’une proximité intellectuelle et exploratoire qu’elle fédère sa communauté de revues4 .

Or les périodiques que soutient PépiNord ont tous pour point commun d’aborder leur problématique par un angle d’approche non conventionnel — la Revue de la régulation, par exemple — ou par un angle d’approche situé à l’intersection de savoirs, de pratiques, de terrains, de cultures hétérogènes — pour ne citer qu’elle, la Revue francophone informatique & musique, qui va jusqu’à dialoguer avec les neurosciences.

Quand PépiNord fait peau neuve

De 2007 à 2021, cet ambitieux projet a été porté par un binôme d’ingénierie composé d’une éditrice et d’un responsable chargé de ressources documentaires. Ils sont parvenus, malgré des ressources limitées, à faire vivre cette plateforme.

Tout s’est ensuite accéléré sous l’impulsion de CNRS Sciences humaines & sociales qui a plus particulièrement souhaité développer à Paris-Nord un pôle éditorial comparable à celui de Nanterre. En peu de temps, cinq autres agents titulaires du CNRS sont venus rejoindre le tandem initial. À noter que la naissance de la fédération des pépinières Repères en 2019 a également contribué à mettre les réflexions locales en perspective avec d’autres problématiques perçues ailleurs.

La pépinière a donc servi de point d’appui pour construire un service agrégeant six agents, mais aussi une offre de service de plus grande ampleur. Initialement tournée vers l’accompagnement de revues de la pépinière, l’offre de la MSH Paris Nord s’est ainsi étoffée par la production d’autres revues déjà structurantes dans leur champ de recherche — le Mouvement social, la Revue d’histoire moderne & contemporaine ou encore SociologieS, entre autres exemples. À partir de 2021, c’est une équipe renforcée, composée d’une responsable de pôle (CNRS), d’un coordinateur de projet (CNRS), d’un chargé d’édition numérique (USPN) et d’un responsable technique (Paris 8), qui est à pied d’œuvre pour revoir le fonctionnement du « cœur » pépinière, en le dotant non seulement d’un nom, PépiNord5 , mais aussi d’un modèle de gouvernance, d’une charte d’engagements réciproques entre PépiNord et les revues qu’elle soutient ainsi que d’une procédure d’évaluation. Transparente dans son fonctionnement, cette évaluation, qui s’appuie sur un comité collégial, incarne une représentation équilibrée des instances éditoriales et scientifiques et s’associe à un conseil d’experts extérieurs. Elle suit une campagne semestrielle plutôt qu’au fil de l’eau, afin de pouvoir confronter entre eux les projets évalués tout en donnant à chacun une réponse argumentée à leur candidature dans les plus brefs délais.

À l’arrière-plan de ces réalisations, s’exprime la volonté de mutualiser les pans techniques pour laisser tout loisir de développer la qualité éditoriale à la faveur des adaptations nécessaires. PépiNord prête aussi une attention particulière à une éthique de la recherche soucieuse d’en rendre visibles les différents acteurs. Il s’agit de se rapprocher d’une vision des revues conçues non pas seulement comme un réceptacle des résultats de la recherche mais comme un projet, vivant et fragile, d’une recherche en train de se faire.

PépiNord veille ainsi à étendre son offre de services qui se décline, de manière graduelle et personnalisée, auprès des revues autant sur les aspects techniques — organisation de formations avec l’infrastructure Métopes, attribution de DOI Crossref6 , ouverture d’un espace OJS7 pour la gestion des flux éditoriaux — qu’éditoriaux, parmi lesquels le conseil aux personnels en charge des revues, le contrôle qualité des numéros et l’aide au portage de dossier de candidature sur les plateformes de diffusion visées.

Le lancement imminent de son site internet, grâce au concours de CNRS Sciences humaines & sociales, fait écho au dynamisme de PépiNord, qui accueillera cette année une nouvelle recrue : la revue Silence(s), dédiée aux arts et aux intelligences du silence.

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Site internet de PépiNord. Conception graphique : Flavie Jeannin, MSH Paris Nord

Ancrée dans un territoire nord-francilien en mutation, PépiNord continue de se structurer de l’intérieur et à faire jouvence. Elle entend non seulement faire fructifier son ancrage historique, mais aussi, au plus près d’elle, continuer le dialogue entamé avec les divers acteurs du Campus Condorcet.

Cécilia Monteiro, Tomasz Doussot, Félix Terrier

PépiNord

  • 1MSH Paris Nord, UAR3258, CNRS / Université Sorbonne Paris Nord / Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis.
  • 2Nous renvoyons aux « Grandes dates qui marquent l’histoire d’OpenEdition » : https://www.openedition.org/19220
  • 3Le modèle de l’accès ouvert diamant ou Diamond Open Access désigne les modes de financements alternatifs des modèles auteur-payeur (frais de publication) et lecteur-payeur (frais d’abonnement). Nous renvoyons au projet Diamas : https://diamasproject.eu
  • 4Sur le rôle joué par les pépinières de revue dans le changement de paradigme éditorial contemporain, nous renvoyons à : Aschehoug A. 2022, Les pôles éditoriaux : contexte, état des lieux et perspectives. https://hal.science/hal-03616773
  • 5Si PépiNord ne constitue pas un acronyme que l’on pourrait définir en le déroulant, il ne fait pas moins résonner l’’essentiel du projet : pépinière, Paris-Nord, pépite
  • 6Le DOI (Digital Object Identifier) permet d’identifier, référencer, citer et fournir un lien durable aux publications en lui associant des métadonnées.
  • 7Open Journal Systems (OJS) est un logiciel à code ouvert développé par le Public Knowledge Project (PKP) qui permet, aux éditeurs de revues savantes, de gérer l’ensemble de leurs processus éditoriaux, de la réception des manuscrits à la production des fichiers de diffusion, en passant par l’évaluation par les pairs.