Archives de philosophie
Archives de philosophie, 74, 2011/2
Fondée en 1922 par Joseph Souilhé, la revue Archives de Philosophie a pour objectif d’une part de fournir une information historico-critique et problématisante sur l’histoire de la philosophie et de l’autre, de rendre attentif, dans le champ philosophique actuel, à des formes d’interrogation émergentes ainsi qu’à des propositions de voies nouvelles.
Le dossier de ce second numéro de 2011 porte sur la démocratie délibérative et, plus largement, sur le rôle important dévolu à la délibération en politique, sujets qui se sont imposés ces dernières années en philosophie politique contemporaine. Comment penser la possibilité de légitimation des décisions en démocratie ? La théorie politique peut-elle aider à des formes renouvelées de vie politique ? Le présent ensemble entend contribuer aux débats les plus récents pour discuter et élaborer cette théorie de la démocratie délibérative.
Charles Girard s'interroge sur le fait de savoir si la délibération publique entre citoyens égaux doit être le fondement de la légitimité proprement démocratique des décisions politiques. Il démontre que c’est parce que les citoyens ne savent que partiellement et confusément ce qu’ils veulent que la politique démocratique doit être délibérative. La délibération collective n’est une condition ni nécessaire ni suffisante pour atteindre l’autonomie politique et le bien commun, elle seule permet toutefois de poursuivre ces fins en égaux.
Dans le deuxième article, Alice Le Goff questionne les modes d’articulation possible entre politique délibérative et politique contestataire, en revenant sur les débats récemment développés autour de l’idée d’un "activisme délibératif". Ce texte vise ainsi à montrer en quoi une telle notion peut avoir une fonction critique et suggérer des pistes de révision du modèle délibératif.
Jürg Steiner évalue ensuite la prise en compte de la narration et des émotions dans les processus délibératifs. Dans une perspective comparative, et sur la base de données empiriques, il montre que les histoires personnelles ont également un rôle à jouer pour une bonne délibération, créant l’empathie à l’égard des besoins des autres. Plus généralement, les émotions ne devraient pas être exclues de la délibération.
Emmanuel Picavet met, quant à lui, la théorie de la démocratie délibérative à l’épreuve de la communication interinstitutionnelle au fil d’une enquête historique sur la nature de l’action, du pouvoir et du dialogue en politique. Dans ce contexte, la communication et la délibération sont à la base de la négociation, et donc de l’élaboration de compromis et de normes et principes généraux reconnus en commun.
Enfin, dans "Argumenter et délibérer entre éthique et politique", Bernard Reber explore les causes et conditions de la délibération, puis compare délibération éthique et délibération politique pour enfin définir l’importance de l’argumentation pour la délibération. Il propose une division du travail argumentatif au niveau institutionnel pour ne pas risquer de vider de son sens la théorie de la démocratie délibérative.