Sources. Matériaux & terrains en études africaines
« Sources of Violence | Sources de la violence » 2, 2021
Sous la direction d’Élodie Apard et Cyrielle Maingraud-Martinaud
Sources. Matériaux & terrains en études africaines est une nouvelle revue bisannuelle à comité de lecture qui couvre l’ensemble des sciences humaines et sociales, y compris l’archéologie. La revue fait intimement dialoguer analyses et matériaux, et donne directement accès à ces derniers en format numérique. Elle promeut également les réflexions sur les contextes et méthodes de production de ces matériaux et sur leurs usages. Principalement trilingue (anglais-français-portugais), Sources accueille d’autres langues de publication (arabe, wolof, kinyarwanda, swahili, etc.) au cas par cas, accompagnées d’une traduction. Cette aventure éditoriale est née au sein des UMIFRE1 d’Afrique sub-saharienne, avec le soutien de l’InSHS, avant de s’ouvrir à des partenaires individuels et institutionnels en France – comme le laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM, UMR5115, CNRS / Université Bordeaux-Montaigne / Sciences Po Bordeaux) — et à l’international, notamment en Afrique.
Sources veut placer la rigueur empirique au cœur de la production d’un savoir objectif, critique et réflexif. Elle participe à la diffusion des connaissances en accès ouvert pour le plus grand nombre, en vue de contribuer à l’universalisation de la recherche ; et elle accompagne les chercheurs dans la constitution, la conservation et le partage des corpus de matériaux de terrain. Ces matériaux peuvent ainsi non seulement être consultés par des publics variés, au Nord et au Sud, mais aussi devenir des sources pour la recherche de demain.
Le premier numéro « Varia » donnait à voir et à entendre une grande diversité de matériaux sur lesquelles s’appuient les recherches centrées sur l’Afrique et ses diasporas : archives comptables, articles de journaux, enregistrements musicaux, documents de communication numériques… Le numéro 2, « Sources of Violence | Sources de la violence », a paru en avril 2021. Coordonné par Élodie Apard et Cyrielle Maingraud-Martinaud, il interroge les manières de collecter des matériaux empiriques sur les phénomènes violents en Afrique sans forcément exposer le chercheur / la chercheuse et ses enquêté(e)s au danger, et propose une réflexion sur les détours méthodologiques possibles pour travailler sur des objets et dans des contextes violents. D’autres dossiers thématiques sont en cours de préparation : l’un portera sur les savoirs environnementaux et naturalistes (2022) ; l’autre, dont l’appel à contributions vient d’être ouvert, sera centré sur la photographie et la circulation des représentations visuelles dans les études africaines (2023).
La politique éditoriale de la revue s’inscrit dans le mouvement de la science ouverte, qui soutient la diffusion sans entraves des publications et des données de la recherche. L’équipe de la revue tient autant à l’accès ouvert des articles qu’à la préservation des matériaux numérisés sur lesquels s’appuient les articles. Ces matériaux sont déposés, autant que possible, dans le respect des règles éthiques et juridiques, sur des plateformes de données bien constituées : Nakala (développé par la TGIR Huma-Num) et Zenodo (porté par le CERN) en premier lieu. Les sources sont chacune dotées d’identifiants pérennes et d’une description structurée.
Cette expérience éditoriale confirme qu’il n’y a pas de définition générique d’une « donnée » de la recherche, encore moins un format unique d’analyse des données. Cela est particulièrement vrai dans les sciences humaines et sociales du contemporain, d’autant plus lorsque le travail d’enquête s’opère entre les espaces de la vie ordinaire, ou moins ordinaire, le monde plus ou moins clos des centres d’archives « physiques », et l’espace numérique. Pour chaque article, les chercheurs proposent un prototype d’écriture liant leurs matériaux d’enquête à leurs élaborations théoriques. C’est pourquoi le format, la structure, la taille des articles sont volontairement libres, de même que la quantité des matériaux proposés, pouvant varier entre des corpus de données massives ou fragmentaires jusqu’à leur absence, qui est alors, en tant que telle, le cœur de la réflexion.
Le nom de la revue n’est donc pas à prendre comme un programme de catalogage des sources pour les études africaines, prêtes à être réutilisées, mais comme un projet épistémologique. L’intérêt des articles ne se mesure pas à la quantité des données ou au caractère remarquable des corpus présentés (comme c’est pourtant le cas de l’article de Michel Cahen sur une guérilla au Mozambique). Il se trouve dans l’intensité de l’investissement de ces données qui, même lorsqu’elle sont « légères » (selon l’expression reprise récemment par Christine Borgman), n’en informent pas moins des démarches scientifiques effectives. Parfois même, la question des matériaux est aussi celle de leur rareté (comme le montre Ini Dele Adedeji à propos du groupe djihadiste Boko Haram au Nigéria), de leur difficulté d’accès ou des aléas de leur récupération (comme dans l’article de Rozenn Nakanabo Diallo sur les activités bureaucratiques d’administrations mozambicaines). Enfin, sur les terrains africains, la question de la précarité des archives ne peut être éludée (voir l’entretien sur l’incendie des archives de Kayes au Mali), ni le questionnement critique de pratiques de numérisation de masse menées par des institutions du « Nord », au risque d’un nouvel impérialisme des données entravant l’émergence de souverainetés technologiques africaines (voir l’entretien de Vincent Hiribarren).
Un appel permanent à numéros thématiques et à articles pour les « Varia » est ouvert.
Rédactrices en chef : Marie-Aude Fouéré, Institut français de recherche en Afrique (IFRA-Nairobi) – Afrique au sud du Sahara – Institut des mondes africains (IMAF), École des hautes études en sciences sociales ; Ophélie Rillon, Les Afriques dans le monde (LAM), CNRS
Chargé d’édition : Bastien Miraucourt, Les Afriques dans le monde (LAM) – Afrique au sud du Sahara, CNRS
- 1Unités mixtes des Instituts français de recherche à l’étranger.