Ethnologie de la France, anthropologie du patrimoine, patrimoine de l’ethnologie
#ANTHROPOLOGIE EN PARTAGE
Par le soutien apporté à des unités de recherche en sciences sociales, notamment au travers de l’accord-cadre entre le ministère de la Culture et le CNRS, grâce à la mise à disposition d’agents au ministère de la Recherche, de l’Enseignement supérieur et de l’Innovation et par sa participation aux instances scientifiques, la délégation à l’Inspection, la Recherche et l’Innovation (DIRI, à la direction générale des Patrimoines et de l’Architecture) développe en partenariat la recherche en ethnologie sur le territoire hexagonal et ultramarin.
Dans le sillage de plus de quarante années de relations institutionnelles, l’apport du ministère de la Culture à la recherche en ethnologie est aujourd’hui orienté selon cinq axes entrelacés : l’ethnologie impliquée dans l’identification et la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, l’ethnologie au-delà des institutions de la recherche par les ethnopôles, l’ethnologie du patrimoine, le patrimoine de l’ethnologie, et le cinéma documentaire comme écriture alternative.
Recherche en ethnologie et sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
La DIRI met en œuvre la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’UNESCO (2003). Au nom de la diversité culturelle, contre la hiérarchisation des cultures et les discriminations, cette Convention invite des centaines de millions d’humains vivant dans le cadre des cent quatre-vingts États parties l’ayant ratifiée à ce que soient menées des actions pour faire connaître, reconnaître et sauvegarder les pratiques culturelles héritées faisant sens dans la continuité et la créativité.
Afin d’atteindre ces objectifs, la collaboration des communautés patrimoniales avec les ethnologues est encouragée et soutenue, techniquement et financièrement, par la DIRI, qui répond aux demandes sociales de patrimonialisation en les orientant au cas par cas vers les chercheurs et chercheuses compétents et disponibles. Le processus d’inventaire national du PCI s’est d’ailleurs progressivement structuré en fonction des objectifs et principes de la Convention, avec le concours d’ethnologues, qui ont fait bénéficier les services du ministère de leurs retours d’expérience et de leur expertise.
Pour les chercheurs et chercheuses, le PCI est aussi devenu un objet de recherche incontournable, tant les processus de patrimonialisation se sont généralisés sur des terrains même réputés les plus « éloignés ».
L’anthropologie dans les sciences du patrimoine
Le patrimoine culturel immatériel, comme catégorie d’action publique mobilisant citoyens, chercheurs, agents de l’État et collectivités territoriales, ainsi qu’une diversité considérable d’organismes et d’institutions tant son domaine est vaste et transversal, se présente donc comme un domaine de recherche stimulant pour la recherche en sciences sociales. Inaugurée en avril 2022 et établie au sein du laboratoire Héritages : Patrimoine(s), Culture(s), Création(s) (UMR9022, CNRS / Cergy Paris Université / Ministère de la Culture), la chaire UNESCO « PCI et développement durable » en est la preuve la plus récente. Le programme franco-letton OSMOSE, porté pour la France par l’Institut des Sciences sociales du Politique (ISP, UMR7220, CNRS / ENS Paris Saclay / Université Paris Nanterre), élabore depuis 2016 un cadre interdisciplinaire de réflexion commune pour comprendre les conséquences de la ratification de la Convention sur les droits nationaux et les implications des chercheurs et chercheuses dans sa mise en œuvre.
Le Laboratoire interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires (Lisst, UMR 5193, CNRS / Université Toulouse Jean Jaurès), l’Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (Idemec, UMR7307, CNRS / AMU), l’Institut des sciences sociales du politique, le laboratoire Héritages, l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC, UMR8177, CNRS / EHESS) comptent parmi les unités de recherche sous tutelle du CNRS les plus actives dans le domaine de la recherche sur le patrimoine culturel immatériel.
Lancé à l’initiative de l’ethnopôle GARAE, le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Patrimoines en partage rassemble des unités de recherche (UMR, labex, équipes d’accueil) et des institutions patrimoniales qui réfléchissent autour du moment de la médiation des biens culturels, entendu au sens large d’une mise en partage dans l’espace public.
L’anthropologie du patrimoine, ancrée dans l’interdisciplinarité, trouve aujourd’hui sa place au sein de ce que l’on nomme depuis quelques années les sciences du patrimoine, qui désignent dans toute leur diversité les disciplines scientifiques sollicitées pour la connaissance, la conservation, la restauration et la transmission du patrimoine. Elles associent sciences humaines et sociales, telles que l’archéologie, l’histoire, l’histoire de l’art, l’anthropologie, la sociologie, la géographie, le droit ou la pédagogie ; sciences expérimentales, telles que la physique, la chimie ou la biologie, auxquelles sont venues s’ajouter les sciences du numérique.
Parmi les huit groupes de travail du chantier scientifique Notre-Dame coordonné par le CNRS et le ministère de la Culture, le groupe Émotions/Mobilisations (EMOBI) réunit une vingtaine de chercheurs et chercheuses anthropologues, juristes, historiens et sociologues, constitués en observatoire des « patrimonialités contemporaines ».
Créée et éditée par la DIRI, la revue en ligne In Situ. Au regard des sciences sociales propose un regard réflexif sur le champ du patrimoine et complète les thématiques traitées depuis 2001 par la revue des professionnels du patrimoine In Situ. Revue des patrimoines. Fondée sur un socle ethnologique, In Situ. Au regard des sciences sociales est centrée sur l’étude des questions patrimoniales comme phénomène social, culturel, économique et politique.
Ethnologie de la France et ethnopôles
Le patrimoine se présente comme un domaine incontournable de recherche de l’ethnologie de la France, qui n’a pour seules limites — dans ce cadre territorial national ainsi fixé comme contrainte (à vocation comparative) — que celles imposées par sa méthode d’enquête par immersion sur le « terrain », soit un focus sur des ensembles sociaux démographiquement assez restreints travaillés au présent.
À travers la collection « Ethnologie de la France et des mondes contemporains », créée en 1984 en partenariat avec les Éditions de la Maison des sciences de l’homme, la DIRI soutient la diffusion des résultats de la recherche de terrain en ethnologie du proche qui sont susceptibles de répondre à la curiosité d’un large public et de constituer une avancée disciplinaire ; elle publie également des ouvrages collectifs, proposant la synthèse de programmes de recherche thématiques, de colloques ou de séminaires sur la société d’aujourd’hui.
Ethnopôle — pôle national de recherche et de ressources en ethnologie — est un label, associé à un soutien scientifique et financier, attribué par le ministère de la Culture, direction générale des Patrimoines et de l’Architecture (DGPA), à une structure œuvrant à la fois sur le plan local et au niveau national dans les domaines de la recherche, du patrimoine et de l’action culturelle sur une thématique originale. En tant que lieu d’excellence, l’ethnopôle fait la démonstration d’une politique scientifique et culturelle originale, articulant des stratégies locales et régionales à une réflexion d’ordre général. Au-delà des institutions universitaires ou de recherche mais en relation étroite avec celles-ci, ces structures révèlent à différentes échelles territoriales les apports de la conjugaison entre recherche scientifique et action culturelle. Ce sont aussi des lieux d’expertise et de ressource de la mémoire, des pratiques et d’imaginaires collectifs, sur des territoires en mutation constante. La plupart des ethnopôles sont impliqués dans l’identification et la sauvegarde participative du patrimoine culturel immatériel.
Lancé en 1996, le réseau des ethnopôles du ministère de la Culture est constitué de douze structures aux champs de recherche et aux territorialités complémentaires à l’échelle nationale. Deux ethnopôles ont fêté leurs vingt-cinq ans de labélisation lors des dernières rencontres nationales de 2021 à Carcassonne : « Savoirs de la nature » du musée-jardins Salagon dirigé par Antonin Chabert, chercheur associé à l’Idemec, et l’ethnopôle GARAE, dirigé par Sylvie Sagnes, chercheuse CNRS à Héritages.
Patrimoine de l’ethnologie, anthropologie filmique, ethnomusicologie
À la fin des années 1990, l’ethnopôle GARAE a initié une recherche sur « les sources et genèses d’une ethnologie de la France », qui a permis d’identifier et de caractériser un ensemble de fonds ethnographiques, ouvrant ainsi la voie, documentaire et problématisée, au patrimoine de l’ethnologie de la France. Ce travail à échelle nationale s’est déroulé dans un cadre réflexif plus large, d’abord à l’échelle européenne, intitulé « Bérose » et créé en 2006. En 2017, Bérose a évolué en encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, adossée à une plateforme dédiée.
« L’ethnologie en héritage » est une collection d’entretiens réalisés par Gilles Le Mao et produits par La Huit : de grandes figures de l’ethnologie présentent le métier auquel elles ont consacré leur vie. Dirigée par Alain Morel et lancée en mars 2005, cette collection compte aujourd’hui une vingtaine de double-DVD durant chacun environ cent quatre-vingts minutes. Ces grands entretiens sont progressivement versés sur Bérose. La DIRI soutient également la réalisation de films documentaires sur et avec des anthropologues tels que Philippe Descola avec La Composition des mondes d’Eliza Levy (2021, Icecream production), ou encore Pierre Lieutaghi, avec La Compagnie des plantes de Bat Sheva Papillon (2022, Marielle Gros).
Au-delà d’un propos patrimonial, le cinéma documentaire est soutenu annuellement par la DIRI comme une écriture alternative en sciences sociales, sur des enjeux épistémologiques et de diffusion des résultats de la recherche.
Dans le champ du patrimoine ethnomusicologique, la DIRI soutient notamment les projets patrimoniaux suivants : le web documentaire INOUÏ dédié à Gilbert Rouget et le programme de recherche-action « Le patrimoine musical des Nanterriens » mis en œuvre dans le cadre du labex « Les passés dans le présent », le programme intitulé « Les Réveillées » d’édition en ligne des archives du service d’ethnomusicologie du musée des Arts et Traditions populaires, ou encore les actions du Centre de recherche en ethnomusicologie (CREM) du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc, UMR 7186, CNRS / Université Paris Nanterre) inclus dans l’accord-cadre Culture-CNRS.
L’ensemble de ces recherches sont soutenues par le ministère de la Culture, délégation à l’Inspection, la Recherche et l’Innovation (DIRI), direction générale des Patrimoines et de l’Architecture
Thomas Mouzard, chargé de mission Ethnologie - PCI, Département de la Recherche, de la Valorisation et du PCI, Délégation à l’inspection, la recherche et l’innovation (DIRI), Direction générale des Patrimoines et de l’Architecture, ministère de la Culture