Émergence d’un nouveau pôle d’enseignement supérieur et de recherche dans un territoire du Grand Paris en mutation

Dès l’origine, les collectivités locales soutiennent cette démarche et pointent l’intérêt de cette initiative tant pour l’enseignement et la recherche que pour le développement de leur territoire. Ainsi, à l’issue d’un processus de sélection internationale, le Campus Condorcet fait partie des dix projets « Campus d’excellence » retenus dans le cadre du Plan Campus.

En septembre 2009, l’État lui attribue une dotation non consomptible de 450 millions d’euros. En outre, la Région Île-de-France, l’intercommunalité Plaine Commune, les communes de Paris, d’Aubervilliers, de Saint-Denis et les établissements universitaires se mobilisent pour la réalisation de ce nouveau Campus, en lui octroyant notamment des dotations financières : une confirmation des montants inscrits au contrat de plan État-Région2 , des apports pour l’acquisition du foncier. Des crédits d’études pour mobiliser une équipe interne spécifique sont dégagés. Une première gouvernance du campus est mise en place. Elle s’organise, début 2009, en association de préfiguration avec une équipe de trois personnes, puis devient Fondation de coopération scientifique, et prend, en 20173 , sa forme actuelle d’Établissement public administratif Campus Condorcet (EPCC)4 .

Pour la réalisation de ce complexe universitaire, le choix des montages opérationnels a été dépendant des montages financiers. Les maîtrises d’ouvrages sont réparties ainsi : deux marchés en maîtrise d’ouvrage publique Région Île-de-France et un contrat de partenariat avec l’EPCC pour le site d’Aubervilliers. L’EPCC est le maître d’ouvrage du site Porte de la Chapelle et assure la coordination de l’ensemble des projets.

L’ambition commune est de définir les moyens de créer un nouveau pôle universitaire de recherche et d’enseignement en sciences humaines et sociales répondant aux exigences fonctionnelles et spatiales de chacun de ses membres. Mais, par-delà cette ambition de programme, le défi consistait à inscrire ce TOUT — le Campus et ses PARTIES, les entités de recherche — dans le territoire en totale mutation de la Plaine Saint-Denis et, plus largement, dans le nouveau système urbain du Grand Paris.

Le choix de doter le Campus d’une équipe projet

Ayant comme préoccupation principale la qualité architecturale et urbaine et conscients de l’ampleur du projet, les partenaires ont fait le choix de se doter d’une maîtrise d’ouvrage interne à l’EPCC. Pilotée par le président du Campus, l’équipe recrutée spécifiquement est d’abord composée d’une dizaine d’experts dans les domaines du livre, du numérique, de la communication, de l’architecture et de la maîtrise d’ouvrage publique. Elle travaille en mode projet, liant les interventions et les réflexions à la fois sur les volets politique et opérationnel, elle met en place divers groupes de travail avec les représentants des membres fondateurs du Campus et, en parallèle, elle noue le dialogue avec les acteurs du territoire.

Les objectifs du Campus et du territoire : une rencontre

Pour les acteurs universitaires, les objectifs visés sont ceux d’une grande visibilité, d’un rayonnement à l’international renforcé, d’une qualité d’usage pour une meilleure recherche et du développement de l’enseignement et de la vie de campus dans le respect de l’environnement.

Pour les acteurs publics, l’accent est mis sur la poursuite de la mutation des friches de la plus grande zone industrielle du Paris du xix^e siècle en un nouveau quartier du Grand Paris dans lequel le campus s’inscrit et apporte sa contribution. En effet, en même temps que se réalise le projet universitaire se mettent en place un maillage viaire renforcé, la création de logements, commerces et équipements, la végétalisation et perméabilisation des sols, la liaison aux centres urbains existants et le développement de nouveaux transports collectifs. L’ensemble accompagne l’arrivée d’une nouvelle population de résidentes, étudiantes et salariées.

Cette double approche met en lumière une similitude des enjeux de développement et des calendriers d’intervention et l’importance d’une grande collaboration opérationnelle.

La mise en place d’un partenariat et de la co-construction d’un quartier universitaire

Le partenariat de coopération ainsi créé s’est appuyé sur divers outils afin d’assurer la coordination et la co-construction de ce quartier. Ainsi, dès 2011, le conseil municipal d’Aubervilliers a voté la mise en compatibilité des règlements d’urbanisme nécessaires au projet et a accompagné la Déclaration d’Utilité Publique portée par l’EPCC. La reconnaissance du Campus Condorcet par le Label Grand Paris5 l’ancre dans le Territoire de la culture et de la création de Plaine Commune. L’équipe du campus et les services des collectivités corédigent « La charte pour un campus urbain » signée par l’ensemble des partenaires en septembre 2013. Ce texte identifie les interventions concrètes de chacun, comme par exemple la réalisation de voiries et l’ouverture du Campus sur la ville dans un calendrier très précis. Il préfigure la signature d’un protocole financier en janvier 2014. Le campus est intégré et se place au cœur de cette dynamique de co-construction de ce nouveau territoire urbain. Les marchés et contrats nécessaires sont élaborés et pilotés par l’EPCC et par les collectivités territoriales. Le suivi de ces engagements et de leur calendrier est mené grâce à de nombreuses réunions de coordinations régulières et des arbitrages.

La naissance d’un campus et de ses entités composantes

Un système d’espaces publics et de paysages qui assure l’image du campus et l’unité urbaine

L’intercommunalité Plaine commune a réalisé les nombreux aménagements prévus dans la Charte et en cohérence avec l’ensemble de l’aménagement de la Plaine du Landy : outre la place du métro Front populaire au sud, elle a élargi les voies existantes, créé, entre deux îlots du Campus, la rue Fantani Touré, aménagé des traversées de voies pacifiées, dont une voie piétonne permettant une centralité entre deux jardins du Campus.

Le projet urbain et paysager, piloté par l’Agence TER (Olivier Philippe et Marina Davou), exprime l’unité du complexe universitaire comme un TOUT qui rassemble quatre terrains à la fois bâtis et végétalisés et reliés entre eux par des voies publiques. L’intervention majeure est la création d’un vaste mail piéton nord-sud « le Cours des Humanités », adresse de l’ensemble des entités du Campus. Il complète le dispositif des voies publiques, relie les Jardins de la connaissance, et participe à l’expression unitaire du campus.

Par ailleurs, les limites entre ville et campus sont gommées visuellement par la mise en place de saut-de-loup ou ha-ha végétalisés, servant à la fois de limites, de bancs, de support de signalétique, et de noues plantées pour le recueil de l’eau de pluie. Ce traitement, qui n’arrête pas le regard, renforce la générosité des espaces plantés et participe à l’ouverture sur la ville du Campus. L’ensemble apporte des solutions techniques et écologiques et répond à des objectifs d’exemplarité en la matière.

Des bâtiments attentifs aux spécificités universitaires et ouverts au territoire

Le cours des Humanités traverse le bâtiment Humathèque6 (23 000 m² accueillant 800 000 ouvrages en libre accès), livré par la Région Île-de-France en 2021, et devient le forum. C’est à la fois l’axe du campus et un lieu d’exposition et de liaison interne de ce bâtiment. Ce dispositif exprime la volonté de rompre avec les logiques de séparation entre les espaces et les publics : ici se mêlent étudiantes, chercheurs et chercheuses, et autres publics. Le 15 mars 2016, un contrat de partenariat de trente ans est signé entre la société de projet Sérendicité7 et l’EPCC pour l’aménagement du site d’Aubervilliers — 6,5 hectares —, et de ses neuf bâtiments de recherche (60 000 m²). Ce premier ensemble bâti présente une unité qui est exprimée aussi par la teinte blanche de ses bâtiments. Ces rez-de-chaussée généreux et le parc sont ouverts à tous les publics sept jours sur sept depuis septembre 2019. De plus, les traitements des sols, des entrées et des limites, le choix du mobilier urbain y compris l’éclairage et les poubelles, la signalétique, et le choix des végétaux participent à l’unité du campus et à son identification au sein du territoire.

Après sept ans de définition de projet, deux ans de chantiers de démolition et de dépollution, et quatre ans de chantiers de construction, le campus ouvre dans un quartier transformé qui réunit tous les défis métropolitains contemporains8 : accueillir de nouveaux habitants, ouvrir de nouveaux espaces d’enseignements, permettre la tenue des Jeux olympiques tout en créant la nouvelle trame de centralités urbaines, d’espaces publics et paysagers qui assure la pérennité de ce renouvellement urbain d’ampleur. Le campus Condorcet est devenu un acteur majeur de ce territoire. La première phase de réalisations a montré qu’il était possible de concilier le double objectif initial : répondre aux exigences spécifiques et précises des équipements universitaires contemporains tout en créant un Campus ouvert aux territoires et à l’international. Ce même processus de collaboration est en cours pour le second site du Campus Porte de la Chapelle9 à Paris.

Sophie Longeaud, directrice de l’architecture et de l’urbanisme, Campus Condorcet