Lumière sur PRISM, un laboratoire in(ter)discipliné dans les domaines de l’image, du son et de la musique

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#VIE DES LABOS

Laboratoire de recherche interdisciplinaire, l’unité Perception, Représentations, Image, Son, Musique (PRISM, UMR7061, CNRS / Aix-Marseille Université / Ministère de la Culture), créée en 2019, est spécialisée dans les domaines de l’image, du son et de la musique. Elle favorise l’interdisciplinarité autour des questions de la perception, des représentations et de leurs usages. Sa spécificité est de regrouper des chercheurs et chercheuses d’horizons disciplinaires différents, de la physique à l’art en passant par les neurosciences, la philosophie, la médecine et la musicologie, afin de les confronter à des objets d’études.

Grand Prix national de la musique en 1990 et Médaille d’or du CNRS en 1999, le chercheur et compositeur Jean-Claude Risset figure parmi les membres fondateurs du laboratoire. Afin de faire émerger des thématiques nouvelles, il rédige en 1999 un rapport, à la demande du ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie, où il conclut sur la nécessité de créer un Institut associant art, science et technologie. Ce dernier n’aboutit pas mais la fusion, en 2012, des trois universités marseillaises en une université unique (Aix-Marseille Université) favorise un rapprochement des laboratoires. C’est dans ce contexte que le groupe de chercheurs « audio » du Laboratoire de mécanique et d’acoustique (LMA, UMR7031, CNRS / AMU / Centrale Méditerranée), l’équipe Arts, sciences et technologies pour la recherche audiovisuelle et multimédia (ASTRAM), l’Unité de neurophysiologie, psychophysiologie et neurophénoménologie (UNPN, CHU-Marseille), ainsi qu’une équipe du Laboratoire d’études en sciences des arts (LESA, AMU) et l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence (ESAAIX) montent un projet de laboratoire interdisciplinaire. Il conduit à la création, en 2019, du laboratoire PRISM, mettant à la disposition des différentes équipes les plateformes technologiques issues de ces différentes entités.

Fortement attaché à la formation d’excellence, le laboratoire constitue un vivier important d’étudiantes afin de les pousser vers la recherche. Il est à l’origine de la création du Master Acoustique et Musicologie, à l’image du laboratoire, interdisciplinaire, et du Master Cinéma et Audiovisuel.

Actions et projets interdisciplinaires se structurent autour de trois axes de recherche faisant intervenir la physique, la musicologie, le cinéma, la médecine, les neurosciences, la philosophie et l’art.

Les chercheurs en acoustique, traitement du signal, analyse-synthèse et perception des sons de l’axe « Ingénierie de la perception » conçoivent et développent des outils de création sonore et musicale en lien avec la perception. Au sein de l’axe « Créations, pratiques et explorations artistiques », des enseignants-chercheurs s’interrogent sur la façon dont l’art nous renseigne sur le monde, en collaboration avec des artistes. Enfin, les membres de l’axe « Application et enjeux sociaux, industriels et médicaux » cherchent à savoir comment certains dispositifs techniques ou artistiques développés ou étudiés au sein de PRISM sont à la fois constitués (c’est-à-dire pensés et fabriqués) et constituants (c’est-à-dire comment ils modifient notre manière d’être dans le monde et d’être à l’autre), et quels sont les contenus de l’expérience consciente (tant rationnelle que sensible) qui sont associés à cette double propriété (constitués/constituants).

La majorité des projets menés à PRISM fait intervenir au moins deux axes de recherche.

Musicologie et acoustique

L’interaction entre musicologie, musique, acoustique et technologie se décline ainsi dans plusieurs projets. Mené avec l’Institut d’Enseignement Supérieur de la Musique - Europe et Méditerranée (IESM) et le ministère de la Culture, le projet CELLO étudie la manière dont l’acoustique d’un lieu peut influencer le jeu des musiciens. Les chercheurs et chercheuses ont mis au point un système de CAVE (Cave Automatic Virtual Environment) audio qui leur permet de reproduire l’empreinte acoustique d’un lieu au sein même du laboratoire. Cette technologie offre à des musiciens de renom la possibilité de se préparer à jouer dans différents lieux. Elle a permis de démontrer qu’ils adaptent leurs gestes et leurs stratégies sensori-motrices à la transformation sonore induite par chaque lieu.

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CAVE audio du laboratoire PRISM permettant de restituer virtuellement différentes acoustiques et d’étudier le jeu du musicien en fonction de ces acoustiques © Joran Tabeaud

Conduit avec Sorbonne Université et le ministère de la Culture, le projet Interprétation musicale en acoustique patrimoniale immersive (IMAPI) est un projet de coopération artistique avec la recherche. L’enjeu est ici de recréer l’acoustique disparue de lieux patrimoniaux par modélisation acoustique 3D afin d’interpréter un corpus musical médiéval dans cette acoustique restituée. Musicologues, acousticiens et artistes ont, par exemple, modélisé et exploré l’acoustique de la Chapelle pontificale du Palais des Papes d’Avignon, et l’ont rendu accessible au public via le parcours musicologique « Ars Musica ».

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Reconstitution de la chapelle pontificale du palais des papes d’Avignon au XIVe siècle, à partir de laquelle l’acoustique de ce lieu a pu être reconstruite ©  PRISM

Réalités virtuelles

Réalités virtuelles et augmentées constituent un autre volet de recherche à PRISM. Le projet COMMUTE, mené avec Airbus, Stellantis et l’Institut des sciences du mouvement - Etienne-Jules Marey (ISM, UMR7287, CNRS / AMU), s’intéresse aux futurs véhicules autonomes. Il vise à repenser le lien entre les usagers et le véhicule. Son objectif : proposer un nouveau système d’interaction véhicule-usager basé sur la stimulation multi-sensorielle (audio, vibro-tactile et visuel) afin qu’il soit le plus intuitif possible.

Le projet Platform for Research in Immersive Sound and Multisensory Environments (PRISME) fédère quant à lui des partenaires académiques, industriels et des structures créatives et artistiques. Ce projet technologique à visée sociétale, démarré en 2023, s’intéresse à la façon dont nous aborderons les mondes virtuels comme le Metavers. La création d’une plateforme innovante d’immersion multisensorielle, unique au monde, permettra d’expérimenter l'immersion de plusieurs participants dans un même espace visuel, lumineux, auditif, vibratoire et tactile. Cette future infrastructure sera installée dans la salle anéchoïque héritée du LMA et sera opérationnelle fin 2024. Ce projet a donné lieu à la création d’un LabCom (Laboratoire d’innovation technologique pour l’immersion multisensorielle - LITIMS) soutenu par l’ANR en 2023, en partenariat avec la société Immersion basée à Bordeaux.

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Salle anéchoïque au sein de laquelle sera installée la plateforme PRISME ©  Joran Tabeaud

Préservation du patrimoine

Le passé intéresse aussi les chercheurs et chercheuses du laboratoire PRISM, qui mènent des projets dédiés à la préservation du patrimoine sonore et à son exploitation. Jean-Claude Risset, pionnier de la musique spectrale, a laissé un fonds d’archives considérable (esquisses de composition, notes de projets artistiques, de colloques ou congrès, mêlant débats scientifiques et concerts). Un fonds riche qui témoigne de l’histoire de la technologie du son synthétisé par ordinateur, une technologie née dans les années 1960. Le laboratoire s’est donc lancé dans sa numérisation afin de le rendre accessible à la fois à la communauté scientifique, et aux interprètes et compositeurs préparant des concerts à partir de l'œuvre de Jean-Claude Risset. Le projet est mené en collaboration avec l’université de Stanford où John Chowning, professeur émérite et membre d’honneur du laboratoire PRISM, a inventé le premier synthétiseur numérique basé sur la modulation de fréquence (FM). Le fonds numérisé sera consultable en ligne entre 2024 et 2025. Le fonds papier sera, quant à lui, déposé à l’Institut national de l'audiovisuel (INA).

Le projet Corsica Sud-Archives (CO S-A) se concentre, de son côté, sur la création patrimoniale et traditionnelle. Il s’attache à réemployer les archives musicales issues du repertorium voce (la plus grande archive en ligne sur les musiques corses collectées dans les années 1970). Ce projet est mené en partenariat avec l’université de Corse, la phonothèque de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme (MMSH, UAR3125, CNRS / AMU) et le Centre National de Création Musicale VOCE. Il a notamment donné lieu à la réalisation d’une balade sonore dans le village de Pigna en lien avec un FabLab corse et les acteurs locaux.

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Pose du panneau de signalétique avec QRcode réalisé par le FabLab Corti devant une échoppe de Pigna © Caroline Boë

Cinéma

Les archives sonores du cinéma intéressent aussi les chercheurs et chercheuses du laboratoire PRISM. Le projet Sons de France consiste à qualifier et décrire les sons d’ambiance à vocation cinématographique, et à les répertorier dans une base de données destinée aux professionnelles du son. Cet outil innovant, dont le dispositif d’indexation a été breveté, est financé par la SATT Sud-Est.

Un autre projet, en collaboration avec le Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA, UMR5190, CNRS / Université Lumière-Lyon 2 / Université Jean Moulin Lyon 3 / Université Grenoble Alpes / ENS de Lyon) et le ministère de la Culture, est consacré aux archives sonores du grand compositeur de musique de films Paul Misraki. L’objectif est de sauvegarder ses archives en péril, couvrant une période très peu documentée (disques et rushs de musiques de films datant des années 1930 aux années 1960), de les numériser et de les rendre accessibles via une base de données. Celle-ci sera financée par la SATT Sud-Est. Le projet a déjà permis de restaurer des disques endommagés et de numériser plus de 300 sons.

Des chercheurs et chercheuses ont, par ailleurs, été sollicités par les ayants-droits de Marcel Pagnol pour procéder à l’archivage des musiques de films du réalisateur. L’objectif à terme est de les rendre accessibles aux visiteurs du futur musée Pagnol (2026), dont PRISM intègrera le comité scientifique.

Enfin, le projet de recherche-création Dialoguer avec les archives : la télévision face au choc du Sida (DI-ARCHIV) a donné lieu, en 2021-2022, à la réalisation d’une œuvre audiovisuelle intégrée à l’exposition « VIH/Sida, l’épidémie n’est pas finie » organisée au Mucem. Faisant écho à l’épidémie du Covid-19, elle consistait à mettre en miroir des images d’archives montrant comment était perçu le virus du Sida à l’époque, et des images actuelles d’actrices et acteurs ayant traversé cette épidémie. Il est porté par PRISM en partenariat avec le Centre Norbert Elias (CNE, UMR8562, CNRS / EHESS / AMU / Avignon Université). Ce projet, qui a nécessité un inventaire des archives audiovisuelles de l’époque et la collecte filmée de témoignages contemporains, visait à rendre compte de l’impact des images et des médias sur les représentations sociales du sida.

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Capture d'écran du film « Ce n’est pas à proprement parler une épidémie » © Pascal Cesaro, Mario Fanfani et Emmanuel Viguier

Santé

De nombreux projets en lien avec la santé sont également menés par le laboratoire PRISM, notamment avec le CHU de Marseille et l’hôpital de Toulon. Le projet MusiDance a été financé par la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS (Défi AUTON 2018), en collaboration avec le laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique (Gipsa-lab, UMR5216, CNRS / Université Grenoble Alpes), l’Institut de recherche en Musicologie (IReMus, UMR8223, CNRS / BnF / Ministère de la Culture / Sorbonne Université), le laboratoire Neuropsychologie et Imagerie de la Mémoire Humaine (NIMH, Inserm / EPHE / Université Caen Normandie), l’université Rennes 2 et l’université de Bourgogne. Les chercheurs et chercheuses s’intéressent ici à la façon dont son et musique peuvent être utilisés dans un but thérapeutique. Ils ont par exemple mis en place des ateliers musicaux transgénérationnels auquel participaient résidents d’un EHPAD et scolaires, avec production et diffusion de musique à visée thérapeutique. Lors d’ateliers, ils ont filmé les échanges afin d’observer les comportements des uns et des autres et mesurer l’impact de la musique comme traitement thérapeutique.

Aborder des sujets classiques ou d’avant-garde dans une dimension interdisciplinaire, tel est donc l’ADN de PRISM. Un jeune laboratoire qui ne cesse de développer de nouveaux projets, multipliant les partenariats académiques, tant au niveau national qu’international. Une activité soutenue avec une poussée vers de nombreux appels à projets (une vingtaine sont en cours actuellement), dont certains ont conduit à des transferts technologiques. Le laboratoire compte ainsi à son actif trois brevets et deux logiciels open-source.

Le laboratoire PRISM est aujourd’hui dirigé par Richard Kronland-Martinet, directeur de recherche CNRS, musicien et compositeur. Le laboratoire compte une cinquantaine de membres, parmi lesquels sept chercheurs et ingénieurs CNRS, et une quinzaine d’enseignants-chercheurs et dix-sept doctorants AMU.

Contact

Richard Kronland-Martinet
Directeur de recherche CNRS au laboratoire Perception, Représentations, Image, Son, Musique (PRISM)