Promouvoir les interactions entre mathématiques et sciences du vivant, de la Terre et de l’Homme
#VIE DES RÉSEAUX
Lancé en 2021, l’institut des Mathématiques pour la Planète Terre est un groupement d’intérêt scientifique porté par le CNRS et sept écoles et universités françaises. Son objectif est de soutenir et développer les interactions entre les mathématiques et toutes les autres disciplines contribuant à une meilleure compréhension du vivant, de l’environnement et des sociétés. Un accent particulier est mis sur le développement d’une interface encore trop peu explorée : celle entre mathématiques et sciences humaines et sociales, indispensable pour l’intégration d’une dimension économique, sociale, comportementale et historique dans notre analyse des grands enjeux actuels autour du climat, de la biodiversité et de l’énergie.
Genèse et structure de l’iMPT
Officiellement créé en 2021, l’institut des Mathématiques pour la Planète Terre est le fruit d’une réflexion entamée en 2013, déclarée « Année internationale des mathématiques pour la planète Terre ». Il s’agit d’un institut national sans murs, qui résulte d’un partenariat entre le CNRS, l’université Clermont Auvergne, l’université Grenoble Alpes, l’université Savoie Mont-Blanc, l’université Claude Bernard Lyon 1 et l’École Normale Supérieure de Lyon, rejoints en 2022 par l’université Paris Dauphine-PSL et l’université de Montpellier.
Les trois axes majeurs de l’institut soulignent la largeur de son spectre thématique : Terre Fluide-Solide, Terre Vivante et Terre Humaine. Pour que la pluralité des points de vue soit au cœur de la politique scientifique de l’iMPT, son bureau de direction et son conseil scientifique sont tous deux formés pour moitié de mathématiciens et de spécialistes d’autres disciplines.
Les actions de l’iMPT
L’objectif principal de cet institut est de promouvoir une recherche faisant appel à des outils mathématiques modernes couplés à des compétences, connaissances et données issues d’autres domaines, afin d’aborder des problématiques actuelles liées à la Planète Terre. Si certaines interfaces, comme celles liant les mathématiques à la plupart des sciences physiques, existent depuis longtemps, d’autres demandent un réel investissement et un soutien constant pour pouvoir se développer. C’est le cas notamment des interfaces liées aux questions de géographie, d’organisation des villes ou des sociétés et leur adaptation à un monde changeant, de gestion des ressources, ou encore de compréhension du comportement humain et de la manière dont il doit être pris en compte dans l’étude de phénomènes aussi divers que les mouvements de foule ou la dynamique d’une épidémie.
Pour ce faire, l’institut des Mathématiques pour la Planète Terre mène plusieurs types d’actions.
Un appel à projets annuel
Grâce au soutien financier de ses institutions partenaires, l’iMPT lance chaque année un appel à financement de projets interdisciplinaires. Ces projets doivent être portés par une mathématicienne et un chercheur ou une chercheuse spécialiste d’une autre discipline. L’un des porteurs peut être issu du monde de l’entreprise, ou des collectivités territoriales, permettant l’intégration d’acteurs non-académiques dans l’élaboration de réponses aux questions posées. Depuis 2021, 47 projets ont ainsi pu être soutenus par l’iMPT, pour une enveloppe totale d’environ 3,2 millions d’euros.
Depuis 2022, une direction est privilégiée au sein de cet appel : la socio-économie de l’environnement. En effet, les questions autour de l’énergie, de l’urbanisme, de la mobilité humaine, de la gestion des ressources… sont des terrains propices à une collaboration fructueuse entre les mathématiques et d’autres disciplines, notamment les sciences humaines et sociales. Par le formalisme et les nombreux outils d’analyse et de simulation numérique qu’elles offrent, les mathématiques permettent d’aborder de manière formelle et d’explorer qualitativement et quantitativement des questions portant sur la compréhension fondamentale d’un phénomène et sur la manière dont on peut agir pour le modifier. Réciproquement, la pluralité des points de vue (économique, écologique, sociétaux…) et des échelles à intégrer (individu, groupe, société), ainsi que l’imbrication complexe des dimensions cognitives, émotionnelles et sociales dans la réponse de l’humain face à ces phénomènes, invitent les mathématiciens à développer de nouvelles représentations de ces systèmes complexes et de nouveaux outils mathématiques pour les étudier et confronter les modèles à des données issues du monde réel.
À titre d’exemple, au cours des trois dernières années, l’iMPT a financé :
- un projet portant sur une nouvelle méthodologie statistique visant à améliorer le recueil et la spatialisation des données d’activités de pêche maritime, porté par une mathématicienne et un géographe de l’université de Nantes ;
- un projet développant de nouveaux outils computationnels et mathématiques pour étudier les extrêmes de la demande en électricité et la production renouvelable, porté par un mathématicien de l’École des Ponts ParisTech, un physicien du CNRS et un chercheur de RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité français ;
- un projet visant à analyser et modéliser l’impact environnemental de la croissance urbaine, porté par un mathématicien de l’université d’Orléans et un physicien de l’ENS de Lyon.
Cet effort pour identifier et soutenir des projets intégrant une dimension Terre Humaine sera poursuivi au cours des prochaines années, et le comité scientifique de l’iMPT est régulièrement agrandi afin d’intégrer des collègues ayant une expertise dans ces domaines.
Des moments de rencontre entre différentes disciplines
Constat trivial mais important, le développement de travaux aux interfaces entre les mathématiques et d’autres disciplines nécessite que les chercheuses et chercheurs de différents domaines se rencontrent et échangent autour de thématiques d’intérêt commun. Afin de faciliter ces moments d’échange et de participer à la formation des chercheurs aux enjeux actuels en lien avec la Planète Terre, l’iMPT organise des écoles de recherche, seul ou en collaboration avec d’autres consortia. Il a notamment organisé en 2022 une école intitulée Changement climatique, biodiversité et bioéconomie, abordant l'impact du changement climatique et des activités humaines au niveau d'une population et d'un écosystème, ainsi que la gestion de la biodiversité et les modèles de bioéconomie. En 2022 encore, l’iMPT a co-organisé la rencontre internationale Bayesian methods for the social sciences, dont le premier jour a été consacré à des exposés introductifs sur le développement de statistiques bayésiennes en psychologie, démographie et science des réseaux sociaux. La deuxième édition de cette rencontre se tiendra à Amsterdam du 16 au 18 octobre 2024. En collaboration avec le groupement de recherche « Défis théorique pour les sciences du climat », l'iMPT organisera également une école suivie d'un workshop sur le thème « Énergie, mathématiques et défis théoriques » du 30 septembre au 4 octobre 2024 à Paris : ces deux événements donneront un aperçu des outils mathématiques et théoriques en lien avec la modélisation physique et socio-économique des systèmes énergétiques et rattacheront ces outils aux grandes questions de prospective concernant les transitions énergétiques.
Les actions Science & Société
Afin de nourrir le dialogue entre science et société, l’iMPT maintient à jour sur son site web diverses ressources académiques, grand public ou à destination des étudiants sur les thématiques couvertes par l’institut. Il s’associe également à des initiatives de formation et information à destination de différents publics ; cette partie de l’activité de l’iMPT sera amenée à se développer dans le futur.
À travers cet institut et le récent programme de recherche national Maths-VivES, la communauté mathématique réaffirme sa volonté de contribuer à la compréhension des nombreuses problématiques pluridisciplinaires liées à la planète Terre en développant de réelles interactions avec les chercheuses et chercheurs de toutes les disciplines intéressés.
Arnaud Guillin, Laure Saint-Raymond et Amandine Véber, membres de l’équipe de direction de l’institut des Mathématiques pour la Planète Terre