Aîné, cadet, les différents parcours de vie à Madagascar
Dans un contexte de pauvreté extrême, comment sont façonnées les destinées des membres d’une même fratrie ? Pour y répondre, Francesca Marchetta, enseignante-chercheuse au Centre d’études et de recherches sur le développement international (CERDI, UMR6587, CNRS / Université Clermont Auvergne) et Claire Ricard, économiste chez IDinsight et chercheuse associée au CERDI, ont mené une étude à Madagascar. Leur objectif : évaluer l’impact de la place dans la fratrie et des préférences de genre sur la réussite scolaire, l'entrée sur le marché du travail, mais aussi sur l'âge auquel les jeunes malgaches se marient. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le Journal of Human Capital le 4 octobre 2024.
Bien que purement aléatoire, l'ordre de naissance peut jouer un rôle décisif dans divers aspects de la vie, tels que l'éducation, le mariage et l'entrée sur le marché du travail. C’est tout l’objet de l’étude menée par Francesca Marchetta et Claire Richard, dans un pays en développement où ces variables n’ont pas encore été pleinement explorées. Les études sur les effets de l'ordre de naissance sont rares dans les pays en développement en raison de la difficulté à obtenir des données sur l'ensemble de membres des fratries. La meilleure méthodologie pour les étudier est celle des modèles intrafamiliaux, dans lesquels tous les frères et sœurs de plusieurs fratries sont observés, prenant ainsi en compte les variables non observables au niveau familial dans l'étude. L’étude a bénéficié d’une riche base de données suivant une cohorte de jeunes Malgaches depuis leur jeunesse jusqu'à environ leur 21 ans, et comprenant des informations de base sur tous leurs frères et sœurs. Ces données sont issues d'une enquête longitudinale qui a été menée par le CERDI, en partenariat avec l'université de Cornell et INSTAT Madagascar, l'Institut national de la statistique.
Les résultats de l’étude ont montré que les aînés, tant les filles que les garçons, entrent plus tôt dans l'âge adulte. Leur niveau d’études est moins élevé et ils se marient plus jeunes, bien que les filles aînées courent un risque moindre de mariage précoce par rapport à leur sœur cadette. De plus, ils quittent l'école et entrent sur le marché du travail à un âge plus jeune que leurs frères et sœurs nés plus tard. L’étude ne montre pas d'effet significatif direct de l'ordre de naissance sur les compétences cognitives et non cognitives. Cela indique que la qualité des ressources parentales reçues pendant l'enfance ne varie pas en fonction de l'ordre de naissance dans notre contexte d'étude.
Les résultats suggèrent par ailleurs que les contraintes financières peuvent jouer un rôle important pour expliquer les effets observés. En effet, les effets positifs de l'ordre de naissance sur l'éducation sont plus prononcés dans les zones rurales et parmi les familles à faible revenu. Cela suggère que les parents confrontés à des difficultés financières exigent souvent des contributions de leurs enfants plus âgés, qui doivent parfois sacrifier leur propre éducation pour aider leurs frères et sœurs plus jeunes.
Bien que ces premiers résultats soient instructifs, il convient de noter que l’étude se concentre sur des individus relativement jeunes, avec un âge moyen de 21 ans. Des recherches ultérieures pourraient donc approfondir ces questions en examinant des indicateurs supplémentaires tels que la fécondité, l'emploi et la richesse à mesure que ces individus vieillissent.
Référence
Marchetta F., Ricard C., Birth Order and Transition into Adulthood in Madagascar, Journal of Human Capital, https://doi.org/10.1086/733485
Objectifs de développement durable
Cette recherche contribue à la réflexion de l’objectif 4 sur l’accès de tous à une éducation de qualité, et à l’objectif 5 qui vise à parvenir à l’égalité des sexes.