Science-fiction & handicaps
Ce colloque, co-organisé par l'UMR Litt&Arts et l'association Stella Incognita, aura lieu les 2, 3 et 4 avril 2025 à l’Université Grenoble Alpes.
Si on s’en tient à une représentation très superficielle, la science-fiction est associée à des humains idéalisés et à des techniques futuristes. La réalité de la science-fiction est tout autre. La question des capacités est souvent au cœur de ses thématiques, et elle met en avant autant les points faibles que les points forts des personnages. Elle n’hésite pas à évoquer des histoires de vies compliquées et des techniques complexes aux retentissements tantôt négatifs, tantôt positifs. La question des handicaps y est de ce fait massivement présente, de Luke Skywalker avec sa main prothétique, à Daniel Keyes qui, dans des Fleurs pour Algernon explore tout le spectre allant du déficit mental au génie.
La notion de handicap est elle-même vaste et plurielle. La loi française le définit ainsi : « Constitue un Handicap, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. » De fait, une partie importante de la population a un vécu de la situation de handicap. De même, la science-fiction joue autant sur la sous-capacité que sur la sur-capacité, les deux lui servant à ouvrir des horizons d’humanité très variés, où le travail d’identification peut s’exercer à plein.
Physiques ou mentaux, sensoriels ou moteurs, permanents ou temporaires, visibles ou invisibles, les handicaps apportent une palette infinie de situations humaines qui sollicite l’imaginaire. Le personnage principal éprouvant une situation ou un vécu à assumer ou à dépasser constitue un motif classique, de même que la créativité technique pour y remédier et ses défaillances. Au lieu de figures lisses et parfaites, la science-fiction aime explorer les points faibles, les failles et les effets d’étrangeté. Depuis le Talon d’Achille mythologique jusqu’à la kryptonite incapacitant Superman, voir comment l’on triomphe des épreuves crée un ressort romanesque puissant. Cela donne lieu à toute une exploration des différences et des rapprochements, des désocialisations et des nouvelles relations, des stigmatisations et des héroïsations.
Nous sommes plongés à la fois dans des histoires personnelles (amour, amitié, famille…), mais aussi dans des histoires sociales et dans des histoires techniques entremêlées. Les surcapacités, les incapacités et les déplacements de capacités créent des possibilités d’agir sur le monde et les autres, de les percevoir et de les ressentir. Le plus puissant, comme Hulk, se révèle aussi le plus instable émotionnellement. On retrouve souvent imaginée la surcompensation des limites, comme pour le Pr. Xavier des X-Men, érigé en figure souveraine sur son trône mobile. Ou encore chez Daredevil, super-héros non-voyant aux capacités sensorielles surhumaines. Le plus détaché de nous, comme le Pr. Tournesol dans Tintin, se révèle aussi le plus attachant, apportant souvent, comme par inadvertance, un élément clef. La plus déshéritée, comme Gally dans Gunnm, se trouve être celle qui a l’héritage le plus riche. Les plus asociaux, comme Virgo de Li-Cam, ou Lauren Oya Olamina d’Octavia Butler, sont le plus connecté aux émotions des autres. Par effet de miroir, on nous parle de nos propres fluctuations de capacités. Bien sûr, la question des incapacités et des sur-capacités entre en écho avec celle du pouvoir et de son apprentissage, et aussi, forcément, avec celle du devoir et du bon usage.
Sans remonter très loin dans l’histoire, Les Mains d’Orlac (1920) de Maurice Renard, plusieurs fois porté à l’écran, est l’histoire complexe d’une double greffe de mains dans laquelle l’auteur prête une attention aiguë aux retentissements fonctionnels, identitaires et symboliques. Au milieu du XXe siècle, le cycle classique des Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith montre plusieurs personnages avec des handicaps, de même que Limbo (1952) de Bernard Wolfe. Dans une période plus récente, la question des handicaps est très présente, en particulier à la télévision et au cinéma : Super Jaimie (1976-1978), Ghost in the Shell (1995, 2004, 2017), Iron Man (2008, 2010, 2013), Avatar (2009, 2018), ReGenesis (2004-2008), etc.
Ces quelques aperçus de la thématique des handicaps dans la science-fiction montrent qu’elle touche toutes les aires culturelles, qu’elle est travaillée à la fois dans la culture populaire et dans la culture plus érudite, qu’elle ne cesse de s’enrichir et de s’approfondir, et que les œuvres concernées ont été souvent primées, ce qui souligne la qualité du traitement artistique autant que sa signification humaine.
Le champ/chant des handicaps ouvre ainsi des perspectives larges et variées. De ce fait, nous soulignons que cet appel est ouvert à des personnes de toutes disciplines. Il est aussi ouvert à des supports de tout type (roman, bande dessinée, série télévisée, film, jeu vidéo, jeu de rôle, arts, etc.). Il est enfin ouvert à des corpus d’aires culturelles variées (Europe, Amériques, Asie, etc.) et à des corpus de différentes périodes historiques.
Modalités
Les propositions, comprenant un titre, un résumé (300 à 500 mots) et une courte présentation de l’auteur ou l’autrice de la proposition (2 à 5 lignes), sont à envoyer avant le 1er décembre 2024 aux adresses suivantes :
pelissier.conferences@gmail.com
association.stella.incognita@gmail.com