« S’évader - L’art en détention du XIXe siècle à la fin du bagne », une exposition proposée par Criminocorpus Lab

Histoire Humanités numériques

Dessins, graffitis, poèmes, mémoires, peintures, tatouages, maquettes, noix de coco sculptées, calebasses et nautiles gravés… L’exposition proposée par Criminocorpus Lab (UAR3726, CNRS / Ministère de la justice) et la ville de Niort dans le cadre de la 11e édition du festival du polar « Regards noirs » rassemble, pour la première fois en France, plus de 150 documents et objets élaborés en détention entre le début du XIXe siècle, marqué par l’essor de la prison pénale, et le milieu du XXe siècle qui scelle la fermeture du bagne de Guyane. Elle est à découvrir jusqu’au 9 mars 2025 au Pilori

Ces productions méconnues — souvent étonnantes, rares et fragiles — sont l’expression d’un geste de création. Elles constituent de précieux témoignages sur la peine d’enfermement, ses contraintes et ses privations. En présentant ainsi la surprenante variété de formes et de motifs de cet « art enfermé », l’exposition ouvre une porte donnant accès à l’intimité des prisonniers, à leurs perceptions, à leurs émotions, à leurs intentions, à leurs espérances et à leurs rêves.

Les œuvres exposées proviennent de différents fonds, parmi lesquels la Bibliothèque nationale de France, les archives départementales, des musées, l’École nationale d’administration pénitentiaire, l’association Criminocorpus et des collections privées. 

Peinture de Flag, alias Francis Lagrange, Le bagne en Guyane © Association Criminocorpus
 

Le parcours de l’exposition est décliné en trois parties.

Dessiner pour se faire la belle
La première partie de l’exposition est consacrée à diverses modalités d’évasion par le dessin, la peinture et le tatouage. Certains détenus rejetant la possibilité d’une évasion physique peuvent la représenter afin d’exprimer différents sentiments et convictions. L’enfermement obligeant le détenu à subir un espace limité, extérieur ou clos de murs, toujours surveillé, il peut être tenté de s’affranchir de cet horizon borné en se transportant par la création vers un ailleurs meilleur. Le monde d’avant, le monde d’après ou un monde imaginaire dont les formes sont potentiellement infinies, même si certains motifs semblent privilégiés : l’être aimé, le mouvement ou encore le divertissement. Le commerce de productions artistiques permet aussi, parfois, l’obtention d’un statut privilégié… Et même la préparation, grâce à un pécule précieux accumulé, d’une évasion physique.

Salle d'accueil de l'exposition

Salle d'accueil de l'exposition

Écrire pour s’en sortir

La deuxième partie de l’exposition est consacrée à l’écoute de poésies et à la lecture d’une sélection d’écrits et de graffitis. Nombreuses sont les formes d’écriture en détention qui relèvent d’un acte de résistance. Écrire pour transgresser l’interdit en s’évertuant à inscrire son nom, une date, un numéro d’écrou sur la porte de sa cellule ou sur un mur. Écrire pour dénoncer les conditions de sa condamnation ou de son internement. Écrire pour afficher par bravade une forme de liberté irréductible face aux carcans et punitions… L’écriture permet aussi de lutter contre la solitude en projetant par l’imagination l’individu enfermé dans le passé ou dans l’avenir de sa libération.

Fait main pour prendre le large

La dernière partie de l’exposition s’intéresse à l’artisanat d’art. Au XIXe siècle, dans la cour ou dans les salles de certains bagnes métropolitains, un « bazar » est institué au sein duquel les détenus sont autorisés à vendre des fabrications artisanales conçues durant leurs moments perdus. La confection de ces objets, tout comme la « camelote » souvent produite dans les bagnes de Nouvelle-Calédonie et de Guyane à partir de « petits riens », autorise notamment les détenus à améliorer leur quotidien, à tuer le temps, à échapper à l’ennui, à déjouer l’anéantissement que génère un écoulement des jours en vase clos dont le rythme répétitif est imposé par l’institution carcérale.

Nautiles gravés et coquillages sculptés © collection Franck Sénateur

Cette exposition sera reprise en 2027 aux Archives nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine) qui y intégrera certaines sources issues de ses fonds.

Criminocorpus Lab -  Histoire de la justice et humanités numériques est une unité d’appui et de recherche du CNRS et un opérateur en science ouverte. Elle assure des missions d’accompagnement numérique de la recherche en histoire de la justice. Elle développe la plateforme de publication éponyme (un site musée et une revue) en lien avec les grands opérateurs de services mutualisés (Direction des systèmes d’information du CNRS, IR* Huma-Num, OpenEdition, BnF) et mène différentes actions de diffusion et de valorisation de la recherche auprès des publics (acteurs de la justice, enseignement supérieur, public, scolaire, etc.). Cette exposition « hors les murs » s’inscrit dans le cadre des différentes actions de médiation réalisées par l’unité.

Criminocorpus est lauréat de la médaille de la médiation scientifique du CNRS 2023

 

« S'évader - L'art en détention du XIXe siècle à la fin du bagne »
Salle du Pilori, place du Pilori - 79 000 Niort 
Entrée libre
Du 27 novembre 2024 au 09 mars 2025

Organisation et production : 
Ville de Niort et Criminocorpus Lab

Conception et commissariat scientifique :
Pierre Piazza, maître de conférences en sciences politiques à CY Cergy Paris Université 
Marc Renneville, historien, directeur de recherche au CNRS, directeur de Criminocorpus Lab 


Autour de l’exposition :

Plusieurs animations et visites ont été organisées autour de cette exposition ainsi que deux entretiens :  

Ces interviews sont disponibles en libre accès sur la chaîne YouTube de Criminocorpus dans la série « Portraits singuliers. Une passion, un lieu, un objet », réalisée par Pierre Piazza et Hervé Colombani.

Contact

Marc Renneville
Directeur de recherche CNRS, directeur de Criminocorpus Lab

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