Revue française de linguistique appliquée
La langue facteur d’intégration et d’insertion, Vol XIX, 2014/2
La Revue Française de Linguistique Appliquée (RFLA) est une revue à comité de lecture internationale et interdisciplinaire, consacrée à la linguistique appliquée. Elle est ouverte à tous les domaines d’application et se veut le témoin et le reflet de la recherche en linguistique. Elle s’adresse à celles et ceux dont le domaine de spécialité suppose un rapport à la langue et à la linguistique et qui travaillent dans des secteurs très divers — acquisition / apprentissage, dysfonctionnement / remédiation, variation, traduction, gestion politique et/ou terminologique, dictionnaires, traitement automatique…
En ces temps de mobilité partout accrue, il apparaît de plus en plus que la maîtrise de la langue devient un facteur clé dans la réussite de l’intégration et de l’insertion sociétale et professionnelle. Ce numéro de la Revue française de linguistique appliquée est tout entier consacré à cette problématique et il a été conçu avec le souci de présenter des travaux et des approches variés, en termes de contextes (école / emploi) comme de publics (élèves / adultes). Les flux migratoires amènent à réfléchir à la question de la maîtrise linguistique et, en matière d’éducation, les réponses ne sont pas toujours les mêmes, la place faite aux langues des migrants variant énormément d’un contexte à l’autre. La maîtrise de la langue comme vecteur de l’intégration va au-delà de la simple problématique de l’acquisition d’une langue par des enfants nouvellement arrivés. La question se pose en effet plus largement pour les migrants de tous âges et reste étroitement liée à de forts enjeux socio-économiques. A cela s’ajoute d’autres populations pour qui la maîtrise de la langue pose également problème comme instrument d’insertion sociale et professionnelle, en dehors du cadre de l’intégration.
La contribution de Reinhilde Pulinx et Piet Van Avermaet, de l’Université de Ghent Gand, traite des questions concernant la prise en compte des différentes « Langue 1 » des élèves dans un système éducatif. L’étude a eu lieu en Flandre, une région de Belgique caractérisée par des politiques éducatives fondées sur une forte idéologie monolingue. Il s’agit d’examiner comment les politiques proposées par les décideurs politiques flamands se reflètent dans les opinions des enseignants du secondaire et de mettre en lumière l’interaction entre idéologies langagières, politiques éducatives et opinions des enseignants en matière de monolinguisme.
Lucia Buttaro, de l’Université Adelphi (USA), s’interroge sur l’éducation dans le contexte américain où le monolinguisme (en anglais) est dominant. L’approche de ‘l’anglais uniquement’ dans l’enseignement manque d’efficacité pour les enfants hispanophones. Elle est la première cause de leur départ prématuré de l’école dans les cinq Etats du sud-ouest américain. L’enseignement bilingue leur permettrait d’employer la langue et la culture ‘de la maison’ pour mieux s’adapter à la culture de l’école et acquérir les contenus de l’enseignement qui y est dispensé.
Dans le contexte français, l’article de Claire Extramiana, dresse un bilan de dix années de politiques publiques de formation en faveur de la maîtrise du français. Cela concerne les mesures relatives à l’intégration linguistique des migrants adultes, ainsi que celles destinées à favoriser l’employabilité des adultes ayant un bas niveau de qualification. S’agissant de la population française dans son ensemble, les enquêtes publiques sur la maîtrise du français, en particulier de l’écrit, permettent de constater que le niveau ne baisse pas autant qu’on l’affirme ici et là.
Martine Chomentowski et Aline Gohard, de l’Université de Fribourg (Suisse), posent quant à elles la question de la maîtrise de la langue dans le contexte scolaire et son rôle fondamental pour l’apprentissage d’autres disciplines, comme les mathématiques par exemple. Les constats concernant les résultats scolaires peu probants des enfants de migrants imposent au français langue étrangère (FLE) et français langue seconde (FLS) un nouveau positionnement par rapport au français langue de la scolarisation (FLSCO). Ce dernier propose en effet des solutions pour un meilleur apprentissage à la fois langagier et disciplinaire.
L’article de Virginie André et Hervé Adami revient sur la notion d’insécurité langagière, qui concerne aussi bien les publics migrants que les francophones natifs. Sont en insécurité langagière ceux qui possèdent des répertoires langagiers trop incomplets ou trop peu variés pour faire face à certaines situations de communication. Cela leur laisse peu de place sur le marché du travail et les met en position marginale dans la vie sociale. Les auteurs montrent comment le concept d’insécurité langagière peut être utile pour analyser la réalité et tracer des pistes pour la formation des adultes.
Pour Valérie Langbach, qui travaille dans un centre de formation et d’insertion avec des personnes en situation d’insécurité langagière, la maîtrise de la langue est une question centrale. L’enjeu scientifique est de comprendre si cette dernière permet d’entrer en communication de manière efficace et satisfaisante avec les autres, quels qu’ils soient. L’auteur analyse ainsi les interactions qui se nouent entre formateur et demandeur d’emploi en situation d’entretien. Il s’attache à identifier les problèmes liés à la gestion de l’interaction qui peuvent gêner le déroulement des échanges, aboutissant notamment à une construction collaborative du discours.
Enfin, Kevin McManus, Rosamond Mitchell et Nicole Tracy-Ventura reviennent sur les effets du séjour linguistique, dans un article traitant de l’acquisition du français par des apprenants britanniques. L’intégration est complexe pour ces apprenants qui, tout en maintenant des réseaux sociaux en « Langue 1 » via les technologies modernes, profitent de leur séjour pour tisser des liens avec d’autres étudiants étrangers, pour intégrer des groupes où ils ne sont que de passage, etc. Le capital linguistique que représente l’anglais « Langue 1 » est un atout pour la socialisation mais non pour l’apprentissage d’une seconde langue.