Tiers Monde
Les évolutions récentes des cours des matières premières agricoles – enjeux de développement et de sécurité alimentaire, n°211 juillet-sept 2012
Créée en 1960 par Henri Laugier et François Perroux de l'Institut d'Étude du Développement Économique et Social, la revue Tiers Monde publie les résultats des recherches sur le développement, approches théoriques et études de cas et se veut un lieu de débat sur toutes les questions relatives au développement. Interdisciplinaire et internationale, elle constitue un outil essentiel de réflexion et d'analyse sur un domaine de plus en plus crucial de l'évolution mondiale, à travers des articles d'économie, de sociologie et d'autres disciplines.
Les contributions rassemblées dans ce numéro spécial de la revue Tiers Monde font état des débats actuels sur la nature et les enjeux des évolutions récentes des cours des matières premières pour les pays en développement les plus pauvres et questionnent certaines fausses évidences portant notamment sur la nature des fluctuations des prix des matières premières, le rôle des biocarburants dans l'évolution de ces prix et les politiques de régulation des prix les plus adaptées.
Au cours des cinq dernières années, les prix des matières premières agricoles ont été à la fois hauts et instables ce qui ravive des inquiétudes sur le développement agricole et la sécurité alimentaire des pays en développement, dans les institutions internationales comme dans les instances en charge des politiques nationales. Sur le court terme, l'évolution des prix agricoles a des effets directs sur les ménages pauvres par une diminution de la capacité de ces ménages à se nourrir en cas d'augmentation des prix, et par une diminution des revenus des ménages ruraux en cas de diminution des prix. Sur le long terme, l'évolution des prix agricoles peut être déterminante sur la capacité des pays à assurer leur sécurité alimentaire : en effet, une augmentation persistante des prix peut constituer une réelle opportunité pour les producteurs agricoles et, plus largement, pour le développement agricole des pays pauvres.
Les deux premières contributions s'interrogent directement sur le devenir des hausses récentes des cours des matières premières.
L'article de Cécile Couharde, Vincent Geronimi et Armand Taranco appuie l'hypothèse que l'on entre depuis 2006 dans une période de hausse structurelle des prix des produits primaires, caractérisée par un niveau moyen des prix supérieur de plus de 50% à celui ayant prévalu sur la période 1986-2005. Ce qui marquerait une rupture sans précédent dans l'histoire de l'évolution des cours des matières premières agricoles depuis plus d'un siècle.
Marie-Hélène Hubert analyse ensuite le rôle des biocarburants dans la hausse des prix agricoles et leur impact en termes de sécurité alimentaire. Les biocarburants sont principalement accusés de créer des tensions sur les marchés agricoles mondiaux en restreignant l'offre de produits alimentaires. Et la question se pose de "Quels développements économiques autour du thème nourriture contre carburant ?"
Les trois contributions suivantes examinent la pertinence et la faisabilité des politiques de régulation des prix agricoles.
Franck Galtier dresse une typologie des stratégies et décrit les conditions dans lesquelles une intervention publique destinée à réguler les prix agricoles est envisageable. Il discute de la pertinence d'une doctrine, très présente depuis la fin des années 1980, dont le message principal est qu'il est préférable de traiter les effets de l'instabilité des prix en utilisant des instruments publics de gestion des crises (aide d'urgence), sans empêcher les prix de fluctuer.
A partir de l'expérience récente de Madagascar, du Mali et de la Zambie, Élodie Maître d'Hôtel, Hélène David-Benz et Françoise Gérard étudient les conditions de réussite des politiques de régulation des prix. Ils montrent que la capacité des politiques à contenir l'instabilité des prix dépend notamment de l'appui sur des capacités d'expertise solides, de la maîtrise des coûts, de la prévisibilité des politiques et du contrôle de leur mise en œuvre.
De manière complémentaire, en mettant l'accent sur le rôle des facteurs structurels, Benoît Daviron propose une réflexion sur les interventions envisageables au niveau international et national, à partir d'une analyse critique des recommandations portées par différentes institutions internationales. L'article présente les principales conclusions du rapport du Panel d'experts de haut niveau du Comité de la sécurité alimentaires (HLPE).