Et si les bonnes nouvelles influençaient nos prises de décision ?
La valeur des nouvelles informations influence l'apprentissage et la prise de décision : les bonnes nouvelles ont tendance à avoir plus de poids que les mauvaises. Toutefois, ce biais de valeur, aussi appelé « biais d’optimisme », pourrait refléter davantage qu’une simple préférence pour les événements positifs. C’est l’hypothèse que met en avant une équipe de recherche de l’Institut Jean Nicod, en collaboration avec des chercheurs du Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles. Les résultats de leur étude viennent de paraître dans la revue Nature Human Behaviour.
Les individus ont tendance à traiter différemment les événements positifs selon que ceux-ci découlent de leurs actions ou non. De plus, le jugement de valeur qu’ils portent sur eux-mêmes est plus positif lorsque l’objet de leur jugement relève de leur contrôle — comme la ponctualité — que lorsqu’il leur échappe — comme l’attirance physique. La contrôlabilité pourrait donc être un modulateur important du biais d’optimisme.
Une équipe de recherche dirigée par Valérian Chambon, chercheur CNRS à l’Institut Jean Nicod (IJN, UMR8129, CNRS / ENS Paris), et Stefano Palminteri, chercheur Inserm au Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Computationnelles (LNC2, Inserm / ENS Paris), a testé cette hypothèse sur une centaine de participants dans quatre expériences distinctes. Chaque expérience manipulait la valeur de l’information reçue par le sujet ainsi que sa contrôlabilité. Au cours de la tâche, le sujet pouvait ainsi recevoir des informations positives ou négatives (gagner ou perdre de l’argent) et ces informations étaient plus ou moins contrôlables, c’est-à-dire qu’elles étaient associées à des choix libres (le sujet avait le choix entre sélectionner un symbole A ou B) ou à des choix contraints (le sujet recevait l’instruction de sélectionner le symbole A).
Les résultats ont montré que les sujets accordaient plus de poids aux informations positives, mais seulement lorsque celles-ci étaient la conséquence d’un choix délibéré. En revanche, lorsque l’information résultait d’un choix contraint, sur lequel l’individu n’avait aucun contrôle, les sujets accordaient un poids identique aux informations négatives et positives.
Plutôt qu’une simple préférence pour les événements positifs, le biais d’optimisme serait donc le cas particulier d’un biais plus général, appelé « biais de confirmation du choix » : les individus accorderaient un poids important aux événements positifs qui résultent d’un choix délibéré, tandis que les événements indépendants de leurs choix seraient traités de manière impartiale, c’est-à-dire sans considération pour leur valeur.
À l’aide de simulations numériques, les auteurs de l’étude ont également montré que ce biais de confirmation maximisait les performances d’agents virtuels soumis aux mêmes tâches. Les agents virtuels les plus performants étaient ainsi ceux dont les choix étaient guidés par un biais de confirmation semblable à celui observé chez les participants humains.
Le biais de confirmation pourrait donc être optimal, c’est-à-dire adapté à l’environnement naturel dans lequel notre système d’apprentissage a évolué. Selon Valérian Chambon, « accorder un poids plus important aux événements positifs, seulement lorsqu’ils sont le résultat de votre action, conduit en effet à renforcer les actions les plus à même de satisfaire les besoins de l’individu ».
Ces résultats supporteraient l’hypothèse selon laquelle les individus interprètent différemment les événements selon le niveau de contrôlabilité perçu de leur environnement. Ils jettent ainsi un éclairage nouveau sur les rapports entre cognition et environnement, tout en suggérant de nouvelles pistes pour l’étude des troubles associés à des expériences de contrôle anormales — tels le réalisme dépressif, le syndrome d’influence ou l’impuissance acquise.