Revue du droit des religions
Heurts et malheurs de l’identité religieuse n° 10/2020
Sous la direction de Gérard Gonzalez
Revue semestrielle à comité de lecture, la Revue du droit des religions a été créée en 2016 sous la direction de Francis Messner pour rendre compte des travaux dédiés à l’encadrement par le droit du phénomène religieux dans ses dimensions individuelles et institutionnelles. En explorant l’ensemble des mécanismes juridiques applicables au fait religieux, elle ambitionne d’éclairer les débats suscités par les manifestations de la pluralité religieuse et de la sécularisation dans les sociétés contemporaines (liberté de religion, signes religieux, religion au travail, rôle des institutions publiques…) et de constituer un outil essentiel de réflexion et d’analyse ouvert à la diversité des opinions et courants doctrinaux.
Outre un dossier thématique, qui fait désormais l’objet d’appels à contributions, chaque numéro comporte des varia restituant des recherches originales ainsi que des chroniques sur l’actualité du droit des religions en France et à l’étranger et, une fois par an, des notes de lecture. Des propositions de varia et chroniques peuvent être adressées à tout moment au secrétariat de rédaction. Les modalités de soumission et d’évaluation des articles sont détaillées sur le site de la revue.
Principale revue francophone entièrement consacrée à la régulation juridique des activités et institutions religieuses, la Revue du droit des religions bénéficie d’une forte insertion dans les réseaux nationaux et internationaux de chercheurs explorant la problématique des rapports entre droit et religions, ce qui se traduit par une large ouverture de ses instances éditoriales. Elle s’adresse à un lectorat diversifié intéressé par l’étude du fait religieux et souhaite associer un maximum d’auteurs. Au-delà des spécialistes de la discipline, juristes publicistes, privatistes ou internationalistes, elle accueille aussi sociologues, historiens, philosophes… à même d’apporter les éclairages utiles à la compréhension des thématiques abordées. Publiant des articles en français et plus rarement en anglais, elle veut s’attacher également à diffuser des traductions de contributions rédigées dans d’autres langues pour rendre compte des questions en jeu dans les différents pays européens et au-delà.
Éditée par les Presses universitaires de Strasbourg, la Revue du droit des religions paraît simultanément en version papier et en version numérique en mai et novembre de chaque année. Tous les numéros sont disponibles dès parution en accès ouvert et en texte intégral sur OpenEdition Journals sous licence CC BY-NC.
Le dernier numéro publié présente un dossier intitulé Heurts et malheurs de l’identité religieuse sous la direction de Gérard Gonzalez. Source de revendications, de contestations et de conflits de droits, l’identité des croyants s’épanouit avec difficulté, notamment pour les minorités religieuses. L’altérité identitaire en religion est suspecte parce qu’elle heurte, gêne ou choque certains individus, voire l’État lui-même fondé sur des valeurs laïques ou enracinées dans une identité religieuse majoritaire. Ce dossier évoque en creux le rôle de certaines requêtes exprimées au nom de l’identité religieuse qui mettent l’accent plus ouvertement sur le salut céleste que terrestre. La gestion de ces situations par les sociétés libérales et démocratiques pose le dilemme de la sauvegarde de leur modèle sans prêter le flanc aux attaques de ceux qui souhaitent leur dissolution.
Le texte de Danièle Lochak (Les identités saisies par le droit : quelles identités ? quelle protection ?) donne un aperçu de la résonnance croissante des quêtes identitaires dans toute leur diversité, éclairant en particulier le passage d’une reconnaissance des identités collectives via les droits des minorités à une problématique plus récente d’une identité culturelle qui peut être réclamée par chaque individu. L’autrice souligne le rôle majeur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans la construction d’un « droit à l’identité », avant de conclure sur la position particulière de la France dont le refus de reconnaître l’existence de minorités s’accompagne, aujourd’hui, d’un rejet plus global de tout « différencialisme ». Les grandes lignes du débat sont ainsi posées et les contributions suivantes vont explorer la question de l’identité spécifiquement religieuse. Le philosophe Guy Haarscher (Liberté religieuse contre liberté d’expression ? Pressions de conformité et rhétorique politiquement correcte) évoque de façon stimulante le lien entre le respect des identités religieuses et la question de la liberté de pensée et de la critique des activités et institutions religieuses. Il nous met en garde contre des concepts qui se sont substitués à l’accusation de blasphème tout en demeurant potentiellement dangereux pour la liberté d’expression. Vincente Fortier (Un singulier pluriel : réflexions autour de l’appréhension juridique de l’identité religieuse) analyse ensuite la prise en compte de l’identité religieuse par le droit, en mettant en avant ses liens avec la notion d’altérité dont elle tire sa légitimité, mais avec laquelle elle entretient une relation ambiguë. Elle montre que la reconnaissance juridique de la religion comme élément de l’identité est devenue problématique, ainsi que l’illustre la jurisprudence sur les signes religieux ou le contentieux familial. Lorsque l’identité religieuse cherche un prolongement dans l’identité juridique, il semble en effet que se profile la crainte du « communautarisme », perçu de manière négative en France. La sociologue Anne-Sophie Lamine (Identités religieuses, appartenance communautaire et participation sociale) part d’ailleurs du terme de communautarisme pour le dépasser et présenter des concepts et outils plus à même de dévoiler la réalité objective de l’identification religieuse et de l’appartenance communautaire des acteurs sociaux, au-delà des normes qu’ils défendent ou des discours qu’ils émettent. Aucune personne n’étant réductible à son identité religieuse, elle analyse également les modes d’articulation entre le caractère composite des identités et la participation sociale des individus. Le dossier consacre enfin deux contributions à la réaction des États face aux identités religieuses s’exprimant sous sa juridiction. Clément Bénalbaz focalise son attention sur L’identité areligieuse de la France qui s’incarne tout entière dans le principe de laïcité et semble clairement affirmée, même si elle connaît certains assouplissements tendant à la remettre en cause. Gérard Gonzalez (L’identité religieuse affichée par l’État et ses conséquences sous surveillance) dresse quant à lui un panorama des États qui assument ouvertement la fondamentalité de leurs liens avec une religion historiquement dominante avec laquelle ils entretiennent des relations particulières, voire des liaisons dangereuses au regard du respect du pluralisme et des droits de minorités.
Dans les varia qui complètent ce numéro, Dallal Boukhari analyse l’articulation étroite entre l’école, la politique d’intégration et les évolutions du modèle de laïcité au Québec. Romain Micalef examine le processus de légitimation des camps de détention de musulmans ouïghours en Chine que des institutions internationales comme l’Organisation des Nations unies et la Cour pénale internationale peinent à dénoncer. Alain Sériaux présente quant à lui une position de chrétien sur la liberté religieuse en France, en regrettant la tendance à un confinement progressif de la foi au seul domaine de l’intime qui affecterait toutes les religions.
Dans les chroniques qui reviennent sur des jurisprudences récentes, Anne Fornerod étudie les conséquences de la législation relative à l’état d’urgence sanitaire sur la liberté des cultes et l’accès aux édifices cultuels, alors que Philippe Goni et Gérard Gonzalez s’interrogent sur la liberté d’association des groupements religieux à Monaco où la religion catholique est religion d’État.
Enfin, des notes de lectures rédigées sous la houlette de Philippe Ségur concluent ce numéro en recensant une sélection d’ouvrages qui explorent chacun à leur manière les relations entre droit et religion.
Françoise Curtit, secrétaire de rédaction, ingénieure de recherche au CNRS ; Francis Messner, directeur de la revue, directeur de recherche émérite au CNRS, professeur conventionné à l’Université de Strasbourg
Droit, religion, entreprise et société (DRES, UMR7354, CNRS / Université de Strasbourg