Les sciences sociales pour révéler la valeur des écosystèmes marins

Institutionnel Philosophie

Élaborer de nouveaux indicateurs permettant de préserver de manière durable la vie marine : telle est l’ambition du vaste projet européen BIOcean5D. Lancé en décembre 2022 pour une durée de quatre ans, le projet réunit vingt-neuf instituts de recherche à travers onze pays. La question de la santé des écosystèmes marins y est centrale tout comme la valeur économique et les questions juridiques qu’elle soulève. L’équipe « Environnement : Concepts et Normes » (ECN-Team) de l’Institut Jean-Nicod (CNRS/ENS), dirigée par Sacha Bourgeois-Gironde, et qui bénéficie d’un contrat doctoral du CNRS, est crucialement impliquée. Parmi les membres du consortium, coordonné par Edith Heard, directrice générale du  Laboratoire européen de biologie moléculaire (European Molecular Biology Laboratory - EMBL), et Colomban de Vargas, directeur de recherche CNRS à la Station Biologique de Roscoff (FR2424, CNRS / Sorbonne Université), on trouve le European Marine Biological Resource Centre (EMBRC), le Genoscope, l’Ifremer et la Fondation Tara Océan.

La biodiversité marine soutient des écosystèmes qui sont essentiels pour le fonctionnement de la planète et le bien-être des humains qui la peuplent. Toutefois leur richesse, leur étendue, leurs fonctions sont encore mal connues, de même que, dans une perspective de préservation, la valeur qu’on peut leur associer. BiOcean5D vise à combler ce manque de connaissances, et sa finalité est d’explorer la biodiversité marine, des virus aux mammifères, à travers l’espace (3D),le temps (4D), et les impacts anthropogéniques (5D). Ces recherches contribueront à l’élaboration de nouveaux indicateurs de la biodiversité marine permettant sa préservation à long terme. Les nouvelles données et connaissances acquises fourniront aussi des informations essentielles aux décideurs politiques.

BiOcean5D mobilisera un ensemble de technologies et de protocoles dans le but d’échantillonner l’eau, les aérosols, les sédiments, et les habitats marins essentiels sur 120 sites sélectionnés sur les côtes européennes depuis la Finlande jusqu’en Crète. Les nouvelles données seront harmonisées avec les données existantes et seront librement accessibles à la communauté internationale des chercheurs et chercheuses. Grâce à ces données sur l’écologie marine, le projet permettra d’élaborer de nouvelles théories et de nouveaux modèles de la biodiversité marine, ainsi que de fournir un portefeuille d’indicateurs de la santé des écosystèmes marins.

Le rôle de l’ECN-Team (Institut Jean-Nicod)

Si la question de la santé et durabilité des écosystèmes marins est centrale dans le projet, celle de la valeur économique de la vie marine est également abordée. Des méthodes issues du droit, de l’économie et de la philosophie vont ainsi être mises en œuvre afin d’améliorer les stratégies de protection de l’océan. L’équipe de l’ECN-Team à l’Institut Jean-Nicod coordonne l’ensemble de ces travaux.

Construire un indice de la biodiversité basé sur la complexité fonctionnelle des écosystèmes marins

L’une des premières tâches pour évaluer la valeur de la biodiversité marine consistera en la modélisation de la contribution des fonctions biologiques à la valeur de la biodiversité, ce qui conduira au développement d’un indice de valeur de la biodiversité intégrant la complexité fonctionnelle des espèces au sein d’un écosystème. L’équipe de l’ECN-Team entreprendra ce travail en collaboration avec José Montoya, directeur de recherche CNRS au sein de la Station d’écologie théorique et expérimentale (SETE) du CNRS.

Mesurer la valeur de la biodiversité marine

En outre, deux méthodologies alternatives seront utilisées pour mesurer la valeur économique des fonctions des écosystèmes. La première est la comptabilité du capital naturel, qui consiste à mesurer les stocks et flux physiques de ressources naturelles dans un écosystème donné. Des valeurs monétaires seront ensuite associées aux fonctions des écosystèmes identifiés, à partir des données du marché sur les valeurs d’usage direct et indirect.

La deuxième méthodologie s’appuie sur les valeurs obtenues auprès du public, en lieu et place des données du marché. Elle est appelée évaluation monétaire délibérative1 et implique une délibération entre les participants afin de mettre à jour la diversité des valeurs et des préférences envers les écosystèmes marins et les bénéfices qu’ils génèrent. Quinze ateliers DMV seront organisés sur le site de communautés côtières2 .

Étudier la gouvernance des océans et statuts juridiques des entités marines

Enfin, les implications écologiques des statuts juridiques des entités marines seront explorées en coordination avec la Fondation Tara Océan et plusieurs centres de recherche en droit international maritime (université d’Utrecht, université Rutgers et université de Haïfa). Des alternatives aux stratégies de conservation basées sur les zones ou sur les espèces et axées sur la protection des fonctions des écosystèmes seront examinées, ainsi que des stratégies de gestion de la biodiversité au-delà des juridictions nationales.

Carte
Gauche : Localisation des 120 sites explorés au cours de BIOcean5D. Droite : Le rôle des sciences sociales et l’implication de l’équipe ECN (Environnement : Concept et Normes) de l’Institut Jean Nicod dans BIOcean5D

 

  • 1Deliberative Monetary Valuation (DMV).
  • 2Les ateliers seront réalisés par l’équipe ECN-Team en collaboration avec le Helmholtz Centre for Environmental Research (Allemagne).

Contact

Roberto Casati
Directeur de recherche CNRS, Institut Jean-Nicod