Covid-19, transport et mobilité
Trois ans après le début de la pandémie, les liens de causalités entre la pandémie de Covid-19, les transports et la mobilité sont toujours complexes. Dans un numéro spécial de la revue Regional Science Policy & Practice (RSPP), intitulé « Covid-19, transport et mobilité », des chercheurs du Laboratoire Aménagement, Économie, Transports (LAET, UMR5593, CNRS / École nationale des travaux publics de l’État / Université Lumière Lyon 2) expliquent les liens existants entre ces trois thématiques en se concentrant sur trois axes : l’impact de la mobilité sur la diffusion du Covid-19, l’effet inverse du Covid-19 sur le comportement de mobilité et l'offre de transport, et l'effet particulier du recours à la technologie numérique à travers le télétravail.
La pandémie de Covid-19 a eu un impact sans précédent sur les activités humaines dans le monde entier. La mobilité, support physique d'interaction sociale par excellence, a été le premier secteur touché, étant donné son lien étroit et critique avec la propagation de la pandémie. Le confinement, vieux réflexe face aux pandémies, a été une réponse quasi systématique au début de la crise, par peur de la contagion ou par injonction à l'immobilité. Si aujourd'hui les effets corona directs en termes de mortalité et de contagion semblent s'atténuer, après les deux premières années de la crise sanitaire, la pandémie est loin d'être terminée et les effets à long terme sont encore mal connus. Les conséquences sur la mobilité se poursuivent aujourd'hui à des échelles spatiales variables, selon l'avancement des programmes de vaccination et les indicateurs sanitaires observés/le tableau de bord du moment.
Ce schéma structurel de la pandémie a exercé un impact sans précédent sur les pratiques de mobilité aux niveaux international, régional et local, modifiant le volume, le rythme, la géographie et les modes de déplacement utilisés. Les voyages internationaux ont chuté de manière drastique pendant la période de crise sanitaire. Les transports publics ont été pénalisés par rapport aux modes de transport individuels, en particulier la voiture, bien que la marche et le vélo aient augmenté dans plusieurs villes, bénéficiant également de nouvelles politiques d'urbanisme. À ce jour, les différents modes de transport public sont encore loin de retrouver leur niveau d'avant la crise.
La pandémie de Covid-19 semble également affecter indirectement la mobilité par l'utilisation massive des technologies numériques. En accélérant les pratiques de travail et d'achat à domicile, la crise sanitaire a renforcé le tournant numérique et favorisé l'adoption de nouveaux rythmes et de nouveaux comportements de mobilité. La question de la persistance de ces e-activités, comme le télétravail et le e-commerce, est centrale et soulève plusieurs questions importantes dans le domaine des transports et de la mobilité.
Louafi Bouzouina s’intéresse à l'impact de la mobilité sur la diffusion du Covid-19, en lien avec les chercheurs Karima Kourtit et Peter Nijkamp (université ouverte des Pays-Bas). Tous trois étudient l'impact de l'immobilité et des différentes activités de mobilité quotidienne sur la propagation de la pandémie de Covid-19 dans les pays européens. Ils confirment le rôle de l'immobilité et de la température dans l'atténuation de la propagation de la pandémie ; ils remettent en cause les politiques drastiques de fermeture systématique de tous les lieux d'activité.
Florent Laroche explore quant à lui l'effet de la Covid-19 sur les services de transport longue distance en France. Il montre les hétérogénéités de comportement face à la crise entre les différents services d'autocar, de covoiturage, de train et d'avion, et met en évidence les questions/défis liés au soutien financier de l'État et à la contraction du marché des entreprises.
Ali El Zein, Adrien Beziat, Pascal Pochet, Olivier Klein et Stéphanie Vincent se concentrent sur le déclin de l'usage des transports publics dans le contexte de la crise Covid-19 dans l'agglomération lyonnaise, en France. Ils expliquent cette baisse par la diminution des activités hors domicile et l'augmentation concomitante du télétravail, ainsi que par les transferts modaux.
Les autres articles proposés dans la revue reviennent sur l'impact de la mobilité sur la diffusion de la Covid-19 et l'effet inverse de la pandémie sur le comportement de mobilité et l'offre de transport ; ils se concentrent enfin sur l'effet particulier du recours à la technologie numérique à travers le télétravail ou les pratiques de commerce en ligne.
La collection d'études soigneusement référencées dans ce numéro spécial de RSPP démontre la grande pertinence des études quantitatives (statistiques et économétriques) sur les liens spatiaux causaux et les effets du virus corona (« coronamétrie spatiale »). Il est clair que la densité et la mobilité spatiales sont des paramètres importants qui influencent la propagation du Covid-19. Des recherches supplémentaires sont nécessaires sur l'influence de modes de transport spécifiques (allant du vélo au train), sur les profils de densité des utilisateurs de ces modes, sur les dimensions locales des mesures d'intervention gouvernementales et sur les réponses comportementales des utilisateurs (par exemple, le type de transport, la fréquence des déplacements).
Références
Bouzouina L., Kourtit K., Nijkamp P. (eds) 2022, Covid-19, Transport and Mobility, Regional Science Policy & Practic, Volume 14, Issue S1.
Bouzouina L., Kourtit K., Nijkamp P. 2023, Pandemics, People, and Places, Regional Science Policy & Practic, Volume 15, Issue 3.
Objectifs de Développement Durable
Ces recherches participent à la production de la connaissance sur les interactions entre mobilités et pratiques spatiales, nécessaires à la réalisation de nos activités au quotidien, et la propagation de la pandémie. Elles contribuent ainsi à l’objectif n°3 du développement durable qui vise à « permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ». En mettant l’accent sur l’analyse de l’impact du Covid en milieu urbain, ces recherchent contribuent également à l’objectif n°11 qui consiste à « faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ».