Diffusion extra-académique. Description des pratiques des chercheuses et chercheurs CNRS en sciences humaines et sociales (sources RIBAC 2019 et 2022)
#NOUVELLES DE L'INSTITUT
La diffusion des résultats de recherche en sciences humaines et sociales est réalisée principalement sous la forme de publications d’articles de revue, de chapitres d’ouvrage, d’ouvrages ou encore de communications dans des conférences scientifiques.
À côté de cette activité scientifique, un grand nombre de chercheurs et chercheuses en SHS sont sollicités régulièrement comme experts pour intervenir dans la sphère publique afin d’apporter un éclairage sur une question de société ou d’actualité, un point de vue auprès de professionnels, une interprétation d’une situation ou d’une loi, ou encore pour diffuser des connaissances scientifiques et les rendre accessibles au grand public.
Cette activité de diffusion des résultats de la recherche est collectée chaque année dans les rapports d’activité RIBAC1 des chercheurs et chercheuses CNRS de l’InSHS.
Après une première étude réalisée sur le RIBAC 2019, la présente analyse l’enrichit avec le RIBAC 2022, en se concentrant sur les formes écrites de diffusion extra-académique de la recherche.
Méthode
Les données déclarées dans la rubrique 3.4. « Articles de presse ou grand public » des RIBAC 2019 et 2022 des chercheurs et chercheuses CNRS actifs ont été extraites, nettoyées et harmonisées pour pouvoir être analysées. Les données présentées concernent donc uniquement les chercheurs CNRS.
En 2019, 1 099 articles ont été déclarés par les chercheurs et chercheuses CNRS et publiés dans 354 titres différents.
En 2022, 1 360 articles ont été déclarés dans 413 titres différents.
Afin de pouvoir cartographier les articles de presse, nous avons utilisé la nouvelle classification en 13 types ci-dessous proposée en 2021 :
- magazine culturel (y compris littéraire)
- magazine d'actualités
- magazine économique
- magazine ESR (Enseignement supérieur et recherche)
- magazine professionnel
- magazine religieux
- magazine scientifique
- presse étrangère
- presse quotidienne nationale
- presse quotidienne régionale (PQR)
- presse régionale
- revue de débat
- presse féminine
Résultats
Articles de presse publiés par les chercheurs et chercheuses
Typologie des articles grand public
En 2022, 1 360 articles ont été déclarés dans 413 titres différents. Comme en 2019, les supports de publication sont multiples. En moyenne, un journal comprend 3,3 articles publiés par au moins une chercheur/chercheuse (1 360/413) contre 3,1 en 2019. Toutefois, certains médias, comme les quotidiens Le Monde avec 118 articles (9 %) et Libération avec 50 articles (4 %), occupent une place importante dans cette diffusion. En 2019, les chercheurs/chercheuses avaient publié 142 articles dans Le Monde (13 %) et 102 articles dans Libération (9 %). En 2022, on note une diminution des contributions dans ces deux quotidiens. Cependant, comme en 2019, Le Monde et Libération restent les deux supports les plus utilisés. Le troisième support le plus utilisé est le média généraliste en ligne The Conversation, avec 30 articles. Enfin, on recense 20 et 19 articles respectivement publiés en 2022 sur les sites d’actualités Mediapart et Atlantico.
Les trois principaux types de support des articles extra-académiques sont, comme en 2019, les magazines d’actualités (23,4 %), la presse quotidienne nationale (17,9 %) et les magazines scientifiques (12,3 %) (Tableau 1 et Figure 1).
Presque la moitié des articles concerne l’actualité dans des journaux français.
Les articles dans la presse étrangère et dans la presse qualifiée de débat ont sensiblement augmenté en 2022 par rapport à 2019, possiblement en raison de l’actualité de l’année 2022 avec, par exemple, l’élection présidentielle en France.
Répartition des articles extra-académiques par section du comité national
Comme en 2019, les chercheurs et chercheuses de la section 40 sont les plus productifs et publient un article extra-académique sur cinq. Un peu plus de la moitié des articles sont publiés comme en 2019 par les chercheurs et chercheuses des sections 36 (17 % en 2022 – 13 % en 2019), 33 (14 % en 2019 et 2022), 37 (13 % en 2022 – 9 % en 2019) et 35 (10 % en 2022 – 15 % en 2019) (Figure 2).
Répartition des articles extra-académiques par grade
On retrouve quasiment la même répartition en 2019 et en 2022 : iI y a pratiquement autant d’articles publiés par des chargées de recherche (53 %) que par des directrices ou directeurs de recherche (47 %) (Tableau 2).
Répartition des articles grand public par domaine disciplinaire
Les grands domaines disciplinaires pour indexer les articles extra-académiques ont été proposés par les chercheurs et chercheuses eux-mêmes dans leur RIBAC. Les domaines les plus représentés (Figure 3) sont par ordre d’importance les articles en science politique et sociologie (qui représentent 23,8 % de la totalité des articles), puis les articles en histoire (15,8 %) et en anthropologie/ethnologie (8,5 %). Ici aussi la répartition est quasi-identique à celle de 2019 et on retrouve les mêmes quatre domaines disciplinaires les plus contributeurs.
Supports de publication des articles de presse
Répartition des journaux en fonction de leur typologie
Si l’on s’intéresse aux journaux supports des publications extra-académiques des chercheurs et chercheuses, on remarque, comme indiqué précédemment, que les journaux de la presse quotidienne nationale rassemblent près d’1/5 des articles (Tableau 1), mais ils ne représentent que 2,7 % de l’ensemble des supports utilisés (Tableau 3 et Figure 4). Dans le cas de la presse quotidienne nationale, les articles extra-académiques sont diffusés dans un petit nombre de titres différents, comme nous l’avions observé pour les activités de 2019.
Comme mentionné plus haut, les supports de publication d’articles extra-académiques sont multiples. 2/3 des 413 titres de journaux utilisés par les chercheurs (278/413) n’ont publié qu’un seul article en 2022.
Répartition des types de journaux en fonction de la section du chercheur et de la chercheuse
On observe une relation étroite entre le type de journal choisi par les chercheurs et les chercheuses pour publier et leur thématique disciplinaire (Tableau 4). ¼ des articles des magazines culturels sont publiés par les chercheurs et chercheuses de la section 35. Presque la moitié des articles de la presse étrangère impliquent des chercheurs et chercheuses de la section 37. Les magazines scientifiques publient préférentiellement les travaux des historiens des sections 32 et 33. Près de 50 % des articles des magazines d’actualités et de la presse quotidienne régionale (PQR) sont issus des travaux des sociologues, politistes et juristes des sections 36 et 40, de même que presque les 2/3 des articles des revues professionnelles.
Pratiques et profil des chercheuses et chercheurs qui ont déclaré des articles extra-académiques
Nombre d’articles publiés par chercheur/chercheuse
La figure 5 présente le nombre de chercheurs et chercheuses en fonction du nombre d’articles grand public publiés.
Pour les 391 chercheurs/chercheuses (372 en 2019) qui publient ce type de textes, on observe une répartition classique avec la moitié des chercheurs/chercheuses (187, soit 48 %) qui n’ont publié qu’un seul article et très peu de chercheurs/chercheuses qui ont publié beaucoup d’articles. Un seul chercheur a publié 50 articles en 2022.
Répartition des chercheurs par grade
22 % (21 % en 2019) des chercheurs/chercheuses ont déclaré dans leur RIBAC 2022 avoir publié au moins un article extra-académique.
La répartition par grade (Tableau 5), quasi-identique à celle de 2019, montre que le taux de chercheurs/chercheuses est de 20 % pour les chargées de recherche (CR) et de 24 % pour les directeurs et directrices de recherche (DR). Les DRCE restent les plus productifs avec 28 % des chercheurs/chercheuses qui publient au moins un article extra-académique.
Répartition des chercheurs/chercheuses par section du comité national
Nous nous sommes intéressés uniquement aux chercheurs et chercheuses relevant de sections du comité national du CNRS (sections 32 à 40) relevant de l’InSHS, ainsi qu’à ceux qui relèvent de la section 31 lorsqu’ils sont dans des laboratoires pilotés par l’InSHS2 . Ainsi, sur les 391 chercheurs qui publient des articles extra-académiques ayant renseigné RIBAC en 2022, 385 chercheurs sont évalués par les sections 31 à 40.
On remarque que les chercheurs et chercheuses qui publient le plus d’articles extra-académiques sont affiliés comme en 2019 aux sections 40, 36 et 39 et 33, correspondant aux thématiques science politique, sociologie et droit, espaces, territoires, sociétés et histoire des mondes modernes et contemporains (Tableau 6).
Les géographes de la section 39 ont eu une activité plus soutenue qu’en 2019.
Typologie des chercheurs/chercheuses qui ont déclaré un entretien dans la presse extra-académique
Parmi les 1 360 articles extra-académiques, 670 articles sont qualifiés par les chercheurs/chercheuses comme des entretiens, ayant fait l’objet d’une publication écrite. Ces 670 entretiens sont déclarés par 211 chercheurs différents, dont 208 sont évalués par les sections 31 à 40 du comité national.
La répartition des 208 chercheurs en fonction de leur section du comité national est présentée dans le tableau 7. En moyenne, environ 12 % des chercheurs/chercheuses ont déclaré avoir été interviewés en 2022. Mais il y a de fortes différences entre les disciplines ; les politistes et les sociologues (sections 36 et 40) sont environ 20 % à être interviewés pour un journal grand public, comme en 2019.
Les laboratoires les plus actifs en termes de diffusion extra-académique des connaissances
Le « top 16 »3 des unités les plus actives en 2022 pour publier des articles extra-académiques est présenté dans le tableau 8.
Le critère de sélection pour intégrer « le top 16 » des unités est le nombre de chercheurs ayant publié au moins un article extra-académique en 2022. Afin de relativiser ce nombre par rapport à la taille de l’unité, le tableau 8 mentionne également le pourcentage de chercheurs publiants. Ainsi, on peut penser que les plus gros laboratoires auront davantage de chercheurs publiants. On constate, cependant, que ce n’est pas toujours vrai et qu’il y a des petits laboratoires comme le Centre Émile Durkheim (5 publiants sur 7 chercheurs) qui sont très actifs dans ce domaine. Le Centre Émile Durkheim fait d’ailleurs partie des laboratoires du « top 14 » en 2019.
Pour certaines des unités de ce « top 16 », au moins la moitié des chercheurs et chercheuses du laboratoire ont publié aussi au moins un article grand public en 2019. Il s’agit du Centre Émile Durkheim, du CRESPA et du Groupe Sociétés Religions Laïcités.
Parmi les laboratoires de ce « top 16 », on en recense trois relevant de la section 33, deux de la section 36, un de la section 37, deux de la section 38, un de la section 39 et sept de la section 40.
Conclusion
Près d’un chercheur ou d’une chercheuse CNRS sur cinq a publié en 2019 et en 2022 au moins un article de presse à vocation extra-académique. C’est donc une activité qui n’est pas négligeable pour les chercheurs/chercheuses en sciences humaines et sociales du CNRS.
Cette activité de diffusion publique des résultats de la recherche concerne l’ensemble des disciplines. Cependant, quel que soit l’indicateur utilisé, les sociologues et politistes sont les plus actifs dans le domaine de la publication d’articles extra-académiques.
On retrouve un lien fort entre les domaines de spécialités des chercheurs/chercheuses et les types de publication. Les contributeurs les plus importants pour la presse étrangère sont les économistes. On recense, dans les magazines scientifiques, plutôt des travaux des historiens ; les journaux et magazines d’actualités sont investis majoritairement par les sociologues, juristes et politistes. Les magazines professionnels concernent également en majorité les travaux des politistes. Les chercheurs et chercheuses en philosophie, littérature et sciences de l’art publient plutôt dans les magazines culturels.
Les chercheurs et chercheuses « séniors » (principalement DRCE) publient un peu plus d’articles extra-académiques par rapport à l’ensemble des chercheurs/chercheuses.
La presse quotidienne nationale est un support très utilisé par les chercheurs/chercheuses pour transmettre leurs expertises et analyses. Le Monde et Libération restent les deux médias les plus fréquents, mais on observe une diminution de leur usage entre 2019 et 2022. Les sites internet d’actualités comme The Conversation, Médiapart et Atlantico apparaissent dans le top 10 des supports les plus utilisés.
Enfin, on observe, comme pour les publications d’articles scientifiques, une grande dispersion des revues utilisées pour s’adresser au grand public. Plus de 2/3 des supports n’ont publié qu’un seul article en 2022.
- 1RIBAC (Recueil d’informations pour un observatoire des activités de recherche en SHS) est un outil développé au CNRS par l’InSHS pour caractériser et quantifier l’activité des acteurs de la recherche en SHS. Depuis 2011, il constitue le dossier annuel d’activité des chercheurs et chercheuses CNRS en sciences humaines et sociales et il est renseigné par plus de 99 % des chercheurs. Les données recueillies dans les déclarations annuelles RIBAC et consolidées permettent d’apprécier le volume des différentes activités et publications produites par les chercheurs et chercheuses selon leur domaine de recherche.
- 2La section 31 est pilotée par l’Institut écologie et environnement (INEE), mais un certain nombre de laboratoires, de chercheurs et de personnels de soutien à la recherche relèvent de l’InSHS.
- 3En 2019, nous avions mentionné un « top 14 » qui correspondait à 14 laboratoires pour lesquels au moins 5 chercheurs CNRS dans l’unité avait publié au moins un article extra-académique. En 2022, il y a 16 unités qui correspondent à ce même critère. Il s’agit donc d’un « top 16 ».