Cahiers des Amériques latines
Une revue à l’heure de la science ouverte, 100-101 | 2023
Revue de référence dans le paysage latino-américaniste international, les Cahiers des Amériques latines ont été fondés en 1968 par le géographe Pierre Monbeig et sont publiés sous la double tutelle de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (Université Sorbonne Nouvelle) et du Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA, UMR7227, CNRS / Université Sorbonne Nouvelle). Ouverts à toutes les sciences humaines et sociales, défendant une diffusion multilingue de la recherche (en français, anglais, espagnol et portugais), ils constituent un support de diffusion des savoirs académiques, mais aussi un espace de réflexion et de débat sur l’actualité latino-américaine et caribéenne. À partir des terrains latino-américains, qu’il convient de ne jamais essentialiser comme ont parfois pu le faire les area studies et de toujours penser dans leur relation complexe avec le reste du monde, les Cahiers des Amériques latines perpétuent une certaine idée du dialogue entre disciplines au sein des sciences humaines et sociales et contribuent à la connaissance de sociétés en mouvement qui donnent à voir les mutations du monde global.
Chaque numéro de la revue s’ouvre par une « Chronique », qui peut prendre la forme d’une intervention sur l’actualité récente (par exemple, sur la légalisation de l’avortement en Argentine en 2021) ou d’une réflexion sur une question structurelle qui parcourt les sociétés latino-américaines (ainsi celle de la relation entre populisme et démocratie). Un dossier pluridisciplinaire, ayant fait l’objet d’un appel à contributions, constitue le cœur de chaque livraison et peut être consacré à un pays spécifique (« L’État plurinational en Bolivie », « Le Paraguay 30 ans après Stroessner ») ou à une thématique faisant jouer le comparatisme entre différentes expériences nationales (« Relire l’indigénisme aujourd’hui : sources, pratiques, acteurs »). Une rubrique « Varia » et des « Lectures » concluent chaque livraison. À partir du numéro 102 à paraître fin 2023, une nouvelle rubrique intitulée « Passages » verra le jour et aura pour vocation de faire connaître, en français, des textes considérés comme majeurs dans les sciences humaines et sociales latino-américanistes, mais seulement disponibles en espagnol et en portugais. Cette nouvelle section est conforme à l’une des vocations des Cahiers, affirmée dès leur création : créer des passerelles entre des mondes académiques qui, de part et d’autre de l’Atlantique, se connaissent parfois encore mal ou se lisent peu en dépit des transformations radicales, depuis un quart de siècle, des conditions de la circulation internationale des savoirs.
Présente sur OpenEdition Journals en accès ouvert immédiat depuis 2014, la revue a définitivement abandonné le tirage papier à l’occasion du numéro 100-101 de sa nouvelle série, publié en septembre 2023. Intitulé « Une revue à l’heure de la science ouverte », ce volume anniversaire a, pour une fois, bouleversé la structure habituelle de la revue pour mettre en avant deux grands axes de réflexion. Le premier correspond aux articles réunis dans la section « Regards rétrospectifs : les sciences sociales sont-elles périssables ? » et revient sur trois thématiques qui ont nourri les Cahiers des Amériques latines au cours des dernières décennies. À partir d’articles ou de dossiers considérés comme séminaux que la revue a publiés sur la question des appartenances ethniques et des catégories socio-raciales (en 1985), sur le tournant décolonial (en 2009) et sur le genre (en 2002), des auteurs proposent un retour critique et évaluent la manière dont ces questionnements ont évolué et ont été discutés, contestés ou resémantisés jusqu’au début des années 2020. Au-delà des trois thématiques ainsi mises en exergue, ces coups d’œil rétrospectifs portent en eux une réflexion sur le renouvellement permanent des sciences humaines et sociales, des concepts qui les alimentent et des liens étroits qu’elles entretiennent avec les transformations politiques et sociales de la région latino-américaine et caribéenne. Le second axe de ce numéro spécial consiste à questionner l’évolution des sciences sociales produites sur l’Amérique latine en donnant la parole à des personnalités scientifiques dont la trajectoire latino-américaniste a toujours été accompagnée d’un dialogue approfondi avec d’autres aires géographiques ou culturelles. Ces six entretiens permettent, dans le même temps, de remettre sur le métier la question tant de fois débattue des études aréales, de ce que celles-ci sont susceptibles d’apporter à chacune des disciplines des sciences humaines et sociales, mais aussi des problèmes qu’elles soulèvent.
Une conversation avec Leonardo Padura, l’un des écrivains et des intellectuels latino-américains les plus importants de sa génération dont les livres ont été traduits dans le monde entier, est placée en ouverture de cette livraison. Depuis son point de vue caribéen, celui-ci interroge la notion même d’Amérique latine, qui demeure communément admise d’un point de vue institutionnel, mais qui n’a jamais sans doute fait autant l’objet de critiques et de discussions du fait des multiples connotations qu’elle charrie et des recompositions actuelles des relations intellectuelles Nord/Sud. Ce numéro 100-101 comporte également un éditorial, signé par l’ensemble du comité de rédaction, qui permet de dresser le bilan de ce que la revue a publié au cours des deux dernières décennies, d’identifier l’origine géographique des auteurs, de mesurer la forte augmentation du lectorat depuis le passage à l’édition numérique ou encore de définir des perspectives pour l’avenir des Cahiers des Amériques latines. Enfin, le volume s’achève par un hommage à une géographe qui a marqué à la fois la production scientifique sur les villes d’Amérique latine – notamment brésiliennes – et la vie de la revue. Tragiquement décédée en mars 2021, Hélène Rivière d’Arc, qui a mené toute sa carrière de chercheuse au CNRS au sein du CREDA, dialogue ici avec sa collègue brésilienne Anete Ivo dans un entretien réalisé il y a quelques années, qui permet de faire résonner une fois encore sa voix dans les pages des Cahiers.
Rédaction en chef : Virginie Baby-Collin, professeure à Aix-Marseille université, laboratoire Temps, espaces, langages europe méridionale méditerranée (TELEMMe, UMR7303, CNRS / AMU ; Olivier Compagnon, professeur à l’université Sorbonne Nouvelle, Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA, UMR7227, CNRS / Université Sorbonne Nouvelle)