Trois questions à Catherine Courtet et Pascale Goetschel, sur les Rencontres Recherche et Création

Lettre de l'InSHS Arts et littérature

#TROIS QUESTIONS À...

Depuis 2014, l’ANR et le Festival d’Avignon organisent les Rencontres Recherche et Création. En réunissant des auteurs, comédiens, metteurs en scène, et chorégraphes programmés au Festival d’Avignon et des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines, ces Rencontres contribuent à mettre en résonance la pensée des œuvres et les travaux de recherche les plus récents. C’est un nouvel espace de partage des connaissances créé avec les publics. Présentation par Catherine Courtet, coordinatrice scientifique au Département Sciences Humaines et Sociales de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et Pascale Goetschel, directrice adjointe scientifique en charge de la mission Sciences et sociétés à CNRS Sciences humaines & sociales.

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Catherine Courtet, quelle est l’origine des Rencontres Recherche et Création organisées par l’ANR et le Festival d’Avignon et quels ont été les temps forts du programme de cette 11e édition ?  

Catherine Courtet – Les Rencontres Recherche et Création sont nées d’une coopération inédite entre le Festival d’Avignon et l’Agence nationale de la recherche et d’un besoin d’expérimentation de nouvelles formes de dialogue avec le public et les artistes. Il ne s’agissait pas de s’inscrire dans une démarche de surplomb où la recherche viendrait expliquer, commenter les œuvres, mais au contraire de considérer les œuvres comme révélatrices d'expérience ou de mémoire individuelle ou collective, de faire résonner la pensée des œuvres, des artistes, avec les travaux de recherche.

Ces Rencontres sont doublement pluridisciplinaires, par la diversité des formes artistiques — textes classiques, écritures contemporaines, danse, cinéma — et par la diversité des disciplines scientifiques, — des sciences humaines et sociales, aux sciences et neurosciences cognitives, jusqu’à la génétique.

Cette 11e édition était consacrée au thème « Histoire(s) en mouvement ». Le spectacle Absalon, Absalon !, mis en scène par Séverine Chavrier, d’après William Faulkner, a été mis en résonance avec les travaux d’Evelyne Heyer, professeur au Muséum d’Histoire naturelle et membre du laboratoire Eco-anthropologie1 , qui étudie l’anthropologie génétique et les diversités culturelles de l’espère humaine ou encore avec ceux de Magali Bessone, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne2 , qui explore les théories contemporaines de la justice. La présentation de Liberté Cathédrale, chorégraphie de Boris Charmatz, directeur du Thanztheater de Wuppertal, a été l’occasion d’évoquer des travaux novateurs sur les liens entre perceptions, émotions, motricité et langage. Philippe Blache, directeur de recherche CNRS au Laboratoire Parole et Langage3 , a évoqué les phénomènes de synchronisation des activités cérébrales entre deux interlocuteurs qui peuvent contribuer à expliquer l’efficacité de la compréhension mutuelle. Damien Boquet, professeur à l’université d’Aix Marseille et membre du laboratoire Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée4 , a analysé les récits des expériences mystiques au Moyen Âge qui décrivent les émotions comme présentation de soi. Robert Darnton, professeur émérite de l’université de Princeton, a examiné le rôle des événements publics et des gazettes clandestines dans le Paris prérévolutionnaire en résonance avec le spectacle Lieux communs, de Baptiste Amann.

 

Comment les Rencontres Recherche et Création s’inscrivent-elles dans les missions de l’ANR de diffusion de la recherche et de valorisation ?

Catherine Courtet – Les Rencontres Recherche et Création s’inscrivent pleinement dans les nouvelles missions de l’ANR définies dans la loi de programmation de la recherche (LPR, 2021-2030), visant à renforcer les interactions entre sciences, recherche et société.

Le cadre du Festival d’Avignon est particulièrement propice à un échange de proximité avec le public et au partage d’une culture scientifique commune. Le détour par l’expérience artistique permet de faciliter l’accès aux travaux de recherche les plus pointus. Si ces Rencontres sont un moyen privilégié pour faire connaitre des travaux financés par l’ANR, dans le cadre de son plan d’action ou de France 2030, elles s’inscrivent aussi dans la contribution des connaissances scientifiques au débat démocratique. Le détour par les œuvres, la comparaison entre les périodes historiques, entre les objets d’études, contribuent à éclairer la complexité des questions d’actualité toujours brûlantes, comme par exemple, le processus de réconciliation après les conflits, ou des questions fondamentales sur l’émergence du langage et les formes de la communication humaine.

Depuis 2014, les différentes éditions ont montré combien les artistes ont un désir de dialogue avec les scientifiques, pouvant aller jusqu’à l’écriture commune des spectacles.

La 4e édition du Forum organisé par l’ANR, le Festival d’Avignon, avec Thalie Santé et l’ONDA, dans le cadre des journées des professionnels, a été l’occasion d’une réflexion commune entre scientifiques, artistes, professionnelles et professionnels de la culture sur le thème des « Intelligences culturelles », abordées du point de vue des transformations de l’écosystème de la création et du rôle de la culture dans le développement humain et des sociétés.

La diversité des partenaires scientifiques et culturels associés aux Rencontres Recherche et Création, parmi lesquels le CNRS, contribue à leur rayonnement. Depuis 2014, plus de 220 scientifiques, 77 artistes de vingt pays du monde, 82 professionnelles et professionnels de la culture ont partagé leurs savoirs, leurs expériences et leurs réflexions avec le public.

 

Pascale Goetschel, pouvez-vous nous indiquer quel est le rôle du CNRS dans ces rencontres ? 

Pascale Goetschel Le CNRS accompagne les Rencontres Recherche et Création de différentes manières. Il en est un interlocuteur privilégié. En témoigne la présence, lors de différentes éditions, de son président directeur général, Antoine Petit. Cette année, il a été sollicité pour une table ronde animée par l’historien et producteur de radio, Emmanuel Laurentin, relative à deux thèmes intéressant particulièrement l’organisme : la liberté et l’autonomie de la recherche scientifique et de la création ; la complexité du réel et la manière dont la recherche peut transmettre ses résultats en la matière. Les « libertés académiques » ont d’ailleurs fait l’objet d’un avis du comité d’éthique du CNRS (COMETS, février 2018, modifié en mars 2020). Les fondements éthiques de la recherche, les responsabilités individuelles, la place des experts y constituent certaines des grandes thématiques abordées.

Le CNRS est également représenté au conseil scientifique des Rencontres. J’y suis présente à un double titre : comme directrice adjointe scientifique en charge de la mission science/société au sein de CNRS Sciences humaines & sociales ; sans doute aussi en raison de ma spécialité d’historienne du contemporain, sur les questions de spectacles — précisément du théâtre —, des loisirs et des usages du temps libre. Je contribue à fournir des pistes d’interventions de collègues dans les tables rondes mêlant artistes et scientifiques. Je participe au Forum en lien avec les professionnelles et professionnels de la culture.

Enfin, l’organisme national de recherche est présent par ses chercheurs et chercheuses CNRS, membres d’unités mixtes de recherche (UMR). À titre d’exemples, peuvent être cités, pour ces 11e Rencontres, Alizée Delpierre, sociologue, chargée de recherche au laboratoire Printemps5 ou Philippe Blache, spécialiste en linguistique, directeur de recherche au LPL. Leur présence accompagne celle d’universitaires, membres à leur tour de différentes UMR : Magali Bessone (ISJPS), Damien Boquet (TELEMMe), Simon Brean ou Florence Naugrette (Centre d’études de la langue et des littératures françaises6 ), Daniel Gaxie (Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne7 )…

 

Le CNRS joue ainsi un rôle clé dans ces Rencontres ANR Création — ce dont l’organisme peut se féliciter.

  • 1EA, UMR7206, CNRS / MNHN.
  • 2ISJPS, UMR8103, CNRS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
  • 3LPL, UMR7309, CNRS / AMU.
  • 4TELEMME, UMR7303, CNRS / AMU
  • 5UMR8085, CNRS / Université Paris Saclay.
  • 6CELLF, UMR8599, CNRS / Sorbonne université.
  • 7CESSP, UMR8209, CNRS / EHESS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

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