Ouvrir l'accès au regard des sciences sociales sur les questions de santé
La revue Sciences Sociales et Santé publie principalement des travaux de recherche qui s’appuient sur des données originales. Elle a pour ambition de favoriser le dialogue entre les disciplines de sciences humaines, sociales et médicales d’une part, avec les parties prenantes des systèmes de santé de France ou d’autres pays, notamment francophones, d’autre part.
Sciences Sociales et Santé a été fondée en 1982 par des chercheuses et chercheurs qui portaient un projet aussi ambitieux que clairvoyant : à partir de la publication de recherches empiriques, démontrer la pertinence d’un regard de sciences sociales sur les questions de santé aux côtés des approches médicales qui, à l’époque, dominaient encore plus l’espace de la santé qu’aujourd’hui. L’autre trait du projet fondateur était lui aussi ambitieux et, à bien des égards, en avance sur son temps : privilégier un dialogue pluridisciplinaire avec les sciences médicales et entre les sciences sociales. Les contours de ce projet ont évolué depuis 40 ans, mais les comités de rédaction de la revue qui se sont succédé sont restés fidèles à cette double ambition : rendre compte — via des regards de différentes disciplines — des multiples débats portant sur la santé et ses enjeux de société.
Comme l’a montré le numéro anniversaire des 40 ans, le projet pluridisciplinaire reste une réalité, même si ses contours et son périmètre ont évolué. Aux côtés de la sociologie et de l’anthropologie qui sont restées des disciplines centrales de la revue figuraient à ses débuts l’économie et l’épidémiologie ; aujourd’hui, la revue publie moins d’articles en varia provenant de ces disciplines au profit de la science politique. Mais ces disciplines n’ont pas disparu, elles demeurent présentes à travers les références que mobilisent les articles publiés et à travers les disciplines des collègues que nous sollicitons pour publier des commentaires en regard des articles varia acceptés. En effet, caractéristique de la revue, chaque article est étayé d’un commentaire rédigé par un spécialiste d’une autre discipline ou un professionnel de santé ; la revue a vocation à être ainsi une source de partage des connaissances et de dialogue scientifique.
Une analyse mobilisant des outils et méthodes de cartographie de réseau et d’analyse sémantique lors des 40 ans de la revue a documenté que l’évolution des horizons disciplinaires de la revue s’est accompagnée d’une évolution de ses thématiques de prédilection. La revue a conservé une diversité des thématiques, reflétant la richesse des objets scientifiques sur les questions de santé, mais deux thématiques ont notablement émergé : la publication de recherches sur les politiques de santé d’une part, et sur les connaissances et pratiques dans un contexte d’innovations biomédicales d’autre part. Le renouvellement des thématiques démontre que la revue demeure en prise avec les débats scientifiques de pointe.
À l’ouverture disciplinaire s’ajoutent l’ouverture internationale et celle aux acteurs et actrices des systèmes de santé. Dès ses débuts, la revue a entretenu des relations avec des collègues d’autres pays, notamment francophones, en publiant leurs articles ou en sollicitant leurs évaluations ou leurs commentaires : pays d’Afrique francophone, Suisse, Québec, Belgique… Pour renforcer cette orientation, la revue s’est dotée d’un conseil scientifique international, à dominante francophone, afin de maintenir un regard réflexif sur son fonctionnement et ses publications. L’autre ouverture concerne le souci de partager les connaissances produites par les sciences humaines et sociales avec les acteurs des systèmes de santé et d’entretenir le dialogue avec eux. En sus d’un lectorat de sciences humaines, sociales et médicales, la revue a donc vocation à s’adresser aux professions de santé, aux associations, aux personnes touchées par la maladie et leurs familles, aux institutions de régulation. Dans un contexte marqué par des systèmes de santé en évolution, voire en tension, le regard que portent les sciences humaines et sociales nous paraît essentiel pour nourrir les débats de société et apporter des points de vue originaux, en questionnant les catégories médicales ou administratives par lesquelles sont saisies les questions de santé.
Compte tenu de ce projet intellectuel, on comprendra que la revue a toujours cherché à accroître l’accès aux textes qu’elle publie. Cela s’est concrétisé il y a quelques années par le versement de ses archives sous format numérique sur le portail Persée (numéros de 1982 à 2011). Avec le soutien de son éditeur depuis plus de 30 ans, John Libbey Eurotext, la revue a pu abaisser, dans un premier temps, la barrière mobile d’accès à ses textes à un an dès 2018. Le comité de rédaction était d’autant plus sensibilisé à la nécessité d’approfondir l’ouverture que le souci d’ouvrir le plus largement possible et le plus précocement possible aux connaissances est particulièrement présent dans le domaine de la santé et que nombre des recherches publiées ont été financées par des institutions publiques. Le passage à l’accès ouvert n’a pourtant rien de trivial et il nécessite de trouver des modèles économiques viables. L’ambition du comité de rédaction de diffuser les publications de Sciences Sociales et Santé au public le plus large possible a trouvé une issue heureuse au début de l’année 2024 avec la participation de la revue, toujours avec le soutien de son éditeur, au dispositif « Souscrire pour ouvrir » porté par Cairn, les bibliothèques universitaires françaises rassemblées dans le consortium Couperin, l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce dispositif consiste en une expérimentation au cours de laquelle Cairn fait passer en accès ouvert les revues qui le souhaitent en échange d’un engagement des institutions publiques à garantir à Cairn des revenus d’abonnements stables. Nous espérons par exemple que cette expérimentation permettra d’accroître le lectorat vers les parties prenantes des systèmes de santé ou vers des collègues, en France ou à l’étranger, qui ne bénéficiaient pas jusque-là des abonnements institutionnels nécessaires pour lire la revue.
Les liens étroits que la revue entretient avec le monde de la santé et ses publications la conduisent également à réfléchir à ses propres pratiques éditoriales. Ainsi, la revue a adopté dès ses premières années un processus de reviewing externe, en double aveugle, comme c’était alors courant dans les revues de santé publique, tandis que d’autres revues de sciences sociales fonctionnaient sur un mode d’évaluation interne. De même, tous les auteurs de Sciences Sociales et Santé doivent faire une déclaration de liens d’intérêt comme c’est désormais nécessaire pour les publications dans les journaux médicaux. Nous sommes enfin particulièrement attentifs aux enjeux éthiques des recherches que nous publions. Nos évaluateurs externes ont, parmi les critères d’appréciation, la consigne d’évaluer les aspects éthiques soulevés par les recherches à l’origine des manuscrits soumis et leur adéquation avec la législation en vigueur.
Le comité de rédaction de Sciences Sociales et Santé