Les journées annuelles 2024 du Programme prioritaire de recherche « Autonomie » : premier jalon d’un « effet programme »

La Lettre Autres

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Le PPR Autonomie, qui couvre les champs de l’avancée en âge et les situations de handicap, a pour ambition d’apporter des réponses innovantes aux enjeux d’autonomie. Comme de nombreux pays, la France connaît un vieillissement de sa population qui interroge les capacités collectives d’accompagner ce processus. Notre société se soucie également de l’inclusion des personnes en situation de handicap. Ces deux enjeux posent une question cruciale : comment assurer à toutes et tous une vie aussi autonome et épanouie que possible ? Pour apporter des réponses, nourrir le débat public et aussi participer à l’amélioration des politiques publiques de soutien à l’autonomie, ce programme s’appuie sur les travaux menés dans le cadre de onze projets par une communauté de recherche nationale et multidisciplinaire de plus de 300 chercheurs et chercheuses, allant des sciences humaines et sociales aux sciences de la santé et de l’ingénieur, parfois en dialogue avec des acteurs de la société civile.

Créer des ponts avec des communautés de chercheurs européens spécialistes des enjeux d’autonomie

Les premières journées annuelles de ce programme se sont tenues en octobre dernier. Celles-ci se sont déroulées en deux temps : un colloque ouvert aux professionnelles du secteur du grand âge et du handicap, des représentants des parties prenantes et des usagers, et des décideurs publics, puis des ateliers réservés aux membres des projets lauréats. Ces journées visaient à favoriser d’une part l’émergence d’une communauté de recherche, consciente des apports respectifs et des complémentarités de chaque projet, d’autre part les synergies entre cette communauté émergente et les communautés scientifiques européennes spécialistes des enjeux d’autonomie, en somme à créer un « effet programme ». Pour ce faire ont été notamment invités à ces journées des responsables de programmes de recherche nationaux de même ampleur que celui du PPR autonomie, parmi lesquels : Judith Phillips, professeure de gérontologie et directrice de recherche du Healthy Ageing Challenge (Royaume-Uni), Teppo Kroger, professeur de politiques publiques et de politiques sociales et directeur du Centre of Excellence in Research on Ageing and Care (Finlande), Dario Spini, professeur de psychologie sociale et  ancien directeur du Pôle de Recherche National LIVES (Suisse), Jon Glasby, professeur de santé publique et directeur du Centre Improving Adult Care Together - IMPACT (Royaume-Uni) et Sue Yeandle, professeure de sociologie et directrice du Centre for International Research on Care Labour and Equalities (Royaume-Uni). 

Réunir les membres de onze projets de recherche originaux, ambitieux et complémentaires

Ces journées ont clairement mis en évidence la complémentarité des différents projets soutenus par le programme dans leur capacité à répondre aux enjeux d’autonomie. Certains de ces projets interrogent, dans une perspective de comparaison internationale, la généalogie, la conception et la mise en œuvre des politiques publiques nationales et/ou locales visant à favoriser l’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap : 

COMPACKAPPAAurelia et PRESPOL1. D’autres étudient les interactions entre les personnes âgées, et parfois leurs aidants familiaux ou professionnels, et les dispositifs techniques destinés à soutenir leur autonomie, dans la perspective de proposer des technologies adaptées aux besoins, aux pratiques et aux aspirations de leurs usagers : INNOVCAREPre.s.AgeLivACT2. D’autres encore visent à identifier les conditions nécessaires — au sein des relations d’accompagnement et au-delà — pour que les personnes concernées puissent prendre des décisions de manière plus autonome et ainsi accompagner la transformation des pratiques professionnelles, des institutions, jusqu’à la société : AtOrI et AUVI3. Enfin, d’autres ont pour objectif de mieux comprendre la façon dont le parcours de vie, l’environnement ou le type d’habitat peuvent favoriser ou prévenir la perte d’autonomie des personnes âgées, en prenant appui sur l’exploitation de données d’enquêtes nationales longitudinales : Models of autonomyHILAUSENIORS4

Infographie bilan et tour d’horizon des projets lauréats du PPR Autonomie © Laure Saincotille / Bleu Renard Studio

Nourrir des questionnements transversaux 

Les journées rassemblant les membres des projets ont permis des temps d’échanges scientifiques sous la forme de workshops portant sur des thématiques transversales. Une première thématique invitait les projets à croiser leur regard sur le concept d’autonomie, afin notamment d’identifier des points de convergence (théorique, méthodologique ou disciplinaire) comme des points de discussion. Une deuxième thématique visait à identifier les facteurs facilitant ou entravant la pratique de l’interdisciplinarité. L’objet de la troisième thématique était d’identifier les questions que soulève, pour les chercheurs et chercheuses, la co-construction avec les parties prenantes (associations de personnes concernées, fédérations de professionnels, administration publiques locales…). Une quatrième thématique portait sur le passage de la recherche à l’action, en lien avec les ambitions du PPR autonomie en termes d’impacts sociaux et d’innovation. 

Croiser des expertises scientifiques issues de disciplines et d’approches différentes

Ces échanges ont permis de dégager des points de convergence entre les projets, comme des premiers enseignements pouvant être capitalisés à l’échelle du programme. L’ensemble des projets partagent tout d’abord une conception pluridimensionnelle de la notion d’autonomie, celle-ci ne pouvant être limitée à sa seule dimension fonctionnelle (capacité à faire) et devant intégrer des dimensions morale (auto-détermination) et/ou juridique (droits individuels), sans oublier la manière dont se manifeste cette autonomie dans les interrelations entre les personnes aidées et les personnes aidantes, proches ou professionnels, et/ou dans la façon de mobiliser des dispositifs techniques. Les échanges ont également permis de faire émerger un consensus sur les conditions — en amont et en aval de la recherche —  favorables au développement d’une interdisciplinarité « réussie » : une interconnaissance préalable au projet, une explicitation des limites et complémentarités des apports de chaque discipline, le fait de pouvoir bénéficier d’une temporalité de recherche longue, nécessaire à l’acculturation avec les autres disciplines… Les échanges ont aussi révélé les freins à l’interdisciplinarité : différences sur les critères et méthodes de validation des résultats, sur les critères éthiques, les standards de publication… Si les projets lauréats s’appuient pour la plupart sur la mobilisation de parties prenantes, cela se fait selon des modalités et des niveaux d’implication variables. Les projets les plus engagés dans la co-construction proposent une mobilisation des personnes concernées aux différentes étapes de la recherche (définition des questions de recherche, collecte des données, présentation des résultats), ce qui soulève certaines questions d’importance pour le pilotage de la recherche (comment éviter/répondre à de possibles disjonctions entre les intérêts/les perceptions des personnes concernées et des chercheurs ? Comment restituer aux personnes concernées des résultats sous une forme pertinente et éthique ? Que faire avec des retours critiques lorsque la recherche est close ?) Enfin, il est manifeste que les projets portent tous une grande attention au transfert de connaissances vers l’action, se traduisant par exemple par la constitution d’un comité de parties prenantes, susceptible de suivre l’avancée des travaux, ou par la production à venir de médias de diffusion des résultats (newsletter, film documentaire, vidéo, livret…), pouvant notamment être co-élaborés avec les personnes concernées afin de proposer des supports les plus pertinents possibles. 

Prochaine étape

Ces premières journées ont constitué un moment décisif dans la vie du programme. En réunissant en présentiel et sur un temps long les projets financés, elles ont contribué à favoriser l’interconnaissance et les synergies entre les chercheurs et chercheuses issus des différents projets, comme à identifier des questions transversales sur lesquelles se dessinent de toute évidence des points de consensus au sein de la communauté du PPR. Les journées annuelles 2025 seront une deuxième étape importante, avec la présentation des premiers résultats du programme.

Cécile Bourreau-Dubois, directrice du PPR Autonomie du 1er septembre 2023 au 1er décembre 2024 ; Claude Martin, président du Conseil Scientifique du PPR Autonomie ; Claudia Marquet, responsable de l’administration et du pilotage du PPR Autonomie

Le PPR Autonomie en bref

Annoncé le 11 février 2020 par le président de la République Emmanuel Macron à l’occasion de la 5e Conférence nationale du handicap, le PPR Autonomie est piloté par le CNRS. Doté de 30 millions d’euros, il poursuit un objectif général d’impact social. Impact social par la production de connaissances scientifiques nouvelles susceptibles d’éclairer l’action et les pratiques : c’est le volet financement de projets ; impact social par la création des conditions de mobilisation des connaissances scientifiques pour éclairer l’action et les pratiques : c’est le volet animation. 

Au total, ce sont onze projets de recherche qui ont été retenus pour financement par un jury international dans le cadre de deux appels à projets opérés par l’ANR et lancé en 2021 et 2022, pour un budget de 24,7 millions d’euros. 

Pour en savoir plus sur les projets : consulter l’infographie bilan des appels à projets du PPR Autonomie ou visionner les vidéos de présentation des projets sur la chaîne YouTube du programme.

En parallèle des travaux de recherche, une équipe d’animation scientifique a entre autres missions de diffuser les résultats de la recherche française et internationale sur l’autonomie à un public diversifié, allant des chercheurs et chercheuses aux acteurs publics, aux élus, en passant par les personnes concernées, et de nourrir ainsi le débat public par la diffusion d’une culture scientifique, ceci en mobilisant les outils de la médiation scientifique et de la communication. Elle a lancé à l’automne 2024 des émissions live sur YouTube autour de l’actualité de la recherche où chercheuses et chercheurs sont invités à présenter les grands résultats issus d’une publication récente, et à échanger avec des acteurs de la société civile concernés. 

Pour en savoir plus : consulter la page dédiée sur le site internet du PPR Autonomie ou visionner le replay des émissions sur la chaîne YouTube du programme.

Contact

PPR Autonomie

Notes

  1. COMPAC : Approches comparées des politiques de l’autonomie ; KAPPA : Conditions d’accès aux aides et politiques publiques de l’autonomie – Origines, implications et perspectives d’évolution de la segmentation par âge ; Aurelia : Régimes d’autonomie dans le soin de longue durée : instrumentation et territoires ; PRESPOL : Promouvoir l’autonomie économique des personnes handicapées par l’emploi et les politiques sociales.
  2. INNOVCARE : L’innovation tirée par le care : le cas des soins aux personnes âgées en France et au Japon ; Pre.s.Age : Parcours personnalisé de prévention de la perte d’autonomie chez les personnes âgées, accessibilité, empowerment et adaptions à l’environnement ; LivACT : Vivre et vieillir avec des maladies chroniques et des dispositifs technologiques : Sens, pratiques et recompositions de l'autonomie au fil du temps
  3. AtOrI : Caractérisation des interventions autonomisantes dans l’accompagnement des personnes âgées et handicapées ; AUVI : Ancrer l’autonomie de vie. Une approche pragmatiste par les droits humains.
  4. Models of Autonomy : Une approche sociale, économique et mathématique de l’autonomie dans le vieillissement ; HILAUSENIORS : Habitats Intermédiaires – Logements – AUtonomie – SENIORS.