Un comité d’éthique opérationnel au service des sciences humaines et sociales
#NOUVELLES DE L'INSTITUT
À CNRS Sciences humaines & sociales, la création d’un comité d’éthique opérationnel est née de la conviction, partagée par la direction de l’institut comme par de nombreux collègues, qu’il était nécessaire de disposer d’un organe dédié au traitement pratique des questions éthiques relatives aux SHS.
Une conviction
Certes, plusieurs instances dédiées à ces questions existent. Au premier chef, le comité d’éthique du CNRS, le COMETS, est conçu comme une « instance de réflexion, destinée à attirer l’attention des personnels de recherche et de direction sur les dimensions éthiques et sociétales de toute recherche ». Par ses avis et les actions de formation qu’il mène ou auxquelles il participe, il cherche à « éclairer l’exercice de la liberté de recherche en regard des devoirs et responsabilités que ces personnels ont vis-à-vis du CNRS et plus généralement de la société ». En revanche, il ne traite pas de dossiers particuliers.
Il existe également, au sein d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des comités d’éthique qui disposent d’un rôle à la fois réflexif et opérationnel. Enfin, un pôle éthique de CNRS Biologie accompagne les équipes de recherche dans leur questionnement éthique : « Le pôle assure une expertise dans trois grands domaines : les recherches sur l’Homme, les modèles animaux et l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés ».
Cependant, l’institut a souhaité disposer d’un comité d’éthique spécifiquement destiné à la dimension éthique des recherches en sciences humaines et sociales. Cette instance a été pensée autour d’une double vocation : instruire des questions liées aux communautés des sciences humaines et sociales (relations entre acteurs, risques et précautions à mettre en œuvre, procédures de recherche…) ; répondre à des sollicitations particulières de chercheuses et chercheurs en quête d’un avis éthique sur leur projet de recherche ou leurs publications.
Une réflexion préalable
Afin de préciser les contours de ce que pouvait être ce comité d’éthique en sciences humaines et sociales, toute une réflexion a été menée depuis 2024 au sein de l’institut avec une douzaine de collègues, représentant aujourd’hui le comité. Les collègues conviées à y participer représentent les sciences humaines et sociales constitutives de l’institut et présentent différents profils (voir encadré).
Les discussions qui ont présidé à la création du CEO SHS — le sigle qui a été choisi pour désigner le comité d’éthique lié à CNRS Sciences humaines & sociales — ont permis de préciser le rôle du CEO, les principes qui le guident, ses modalités de fonctionnement. Ses missions ont, tout d’abord, été clairement définies : émettre des « avis » plutôt que de fournir une labellisation ou une certification en matière éthique, excluant de son champ de compétences les questions d’intervention sur la personne humaine (RIPH) et de protection des données, pour lesquelles d’autres instances peuvent être sollicitées.
La réflexion a aussi porté sur la nature des dossiers à déposer. Il a été convenu que le dépôt d’une demande d’avis auprès du CEO, par des membres statutaires d’unités CNRS à titre individuel ou dans le cadre de leur unité mixte de recherche (UMR) d’appartenance, prendrait plutôt la forme d’une auto-évaluation éthique que celle d’un lourd dossier.
Une auto-évaluation éthique
Après la prise de connaissance du contenu de plusieurs formulaires émanant d’autres comités d’éthique et de toute une littérature critique, un canevas a été proposé. L’idée était d’éviter tout caractère normatif mais de proposer une trame constituée de questions jalonnant les différents moments de la recherche. Un formulaire de dépôt, conçu sous forme d’une auto-évaluation éthique, disponible sur le site web de CNRS Sciences humaines & sociales, a donc été élaboré. Pour prendre quelques exemples des suggestions qui y figurent, peuvent être citées les questions de ce qu’est un « secret » pour la personne interrogée, du choix des personnes avec qui l’on a choisi et/ou accepté de travailler, de la mise en danger de personnes participant aux enquêtes, de la restitution de la recherche, de son éventuelle réutilisation. Autre aspect, le comité d’éthique peut avoir un petit rôle préventif sur les questions de dépendances entre doctorants et porteurs de projets, abus de pouvoir, etc.
Plus généralement, l’attention est portée sur plusieurs aspects :
les personnes participantes sont explicitement informées, en particulier de leur niveau d’engagement ;
elles acceptent explicitement de participer à la recherche ; plus précisément, leur accord éclairé est recherché et documenté lorsque cela est requis, et dans la mesure du possible ;
les risques pour les personnes participantes sont minimisés par l’utilisation de procédures adaptées et strictement nécessaires à l’objectif de recherche ;
les informations personnelles les concernant sont protégées et leur vie privée respectée ;
le protocole de recherche prévoit les procédures pour le suivi des données collectées (collecte et acquisition, stockage et archivage, diffusion et partage, réutilisation et valorisation).
Un fonctionnement
Des modalités concrètes de fonctionnement ont également été définies. Les réunions se déroulent tous les deux mois et le comité s’engage à faire un retour dans un délai de deux à quatre mois, celui-ci pouvant aller jusqu’à six mois pour des terrains extra-européens. Au-delà de la réflexion collective liée à la lecture des dossiers instruits par deux rapporteurs, il s’agit de proposer — lorsque cela s’avère utile — un dialogue conduisant à demander des précisions sur tel ou tel point mon abordé ou demandant à être éclairci. Un rapport final est rendu sous la forme d’un avis écrit motivé, émettant une appréciation des enjeux éthiques soulevés par le projet et fournissant, si nécessaire, des recommandations relatives à des points d’attention et de vigilance. Cet avis ne constitue en aucun cas pas une évaluation d’une quelconque « qualité » scientifique du dossier déposé.
Une charte et les premiers pas
Afin de fonctionner au mieux, le CEO SHS s’est doté d’une charte. Elle précise que ses membres s’engagent à réaliser des évaluations en accord avec les principes éthiques et déontologiques de la recherche. Elle indique sa composition : au moins onze membres (chargées de recherche, directeurs et directrices de recherche, ingénieures et techniciennes, enseignantes-chercheurs/chercheuses…) nommés par la direction de CNRS Sciences humaines & sociales pour des mandats de trente-six mois, représentatifs de la pluralité disciplinaire de l’institut, de la diversité des métiers et fonctions, des laboratoires d’affectation, de genre. En fonction des besoins, de nouveaux membres pourront être intégrés.
Parmi les aspects les plus importants, figure le principe de l’indépendance de ce comité affilié à CNRS Sciences humaines & sociales. Celui-ci se réserve le droit de solliciter toute compétence externe pouvant l’éclairer ou le former sur des éléments en relation avec ses objectifs et missions.
À ce stade, et alors qu’une petite dizaine de dossiers sont jusque-là parvenus, les premières discussions se sont révélées fructueuses. S’est d’ores et déjà posée la question, sur certains dossiers, du champ de l’intervention du comité, en particulier pour des projets déjà amorcés, ou de la nature des réponses si celui-ci se déclare incompétent. À plus long terme, il faudra s’interroger sur d’éventuelles évolutions, en fonction du nombre de dossiers reçus et de leur complexité.
En tout état de cause, CNRS Sciences humaines & sociales se félicite de la mise en place du CEO et remercie chaleureusement les membres qui ont accepté d’y participer. Vous retrouvez une partie des informations évoquées dans l’article sur le site web de l’institut.
Pascale Goetschel, directrice adjointe scientifique Science-société, CNRS Sciences humaines & sociales

© Cyril FRESILLON / ARCHAM / CNRS Images
Présentation des membres
Bureau :
- Sonia Desmoulin-Canselier - Droit et changement social (DCS), Nantes
- Julien Mary - Maison des Sciences de l'Homme "Les Sciences Unies pour un autre développement" (MSH SUD), Montpellier
- Jérôme Michalon - TRIANGLE : Actions, discours, pensée politique et économique, Lyon
- Bérénice Bellina - Technologie et Ethnologie des Mondes PréhistoriqueS (TEMPS), Nanterre
- Dimitri Dubois - Centre d'Économie de l'Environnement de Montpellier (CEE-M), Montpellier
- Kseniia Ermoshina - Centre Internet et Société (CIS), Paris
- Brigitte Pakendorf - Dynamique du langage (DDL), Lyon
- Swanie Potot - Unité de recherche Migrations et Société (URMIS), Nice
- Émilia Sanabria - Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé Mentale, Société (CERMES 3), Villejuif
- Daniel Senovilla-Hernandez - Migrations Internationales, Espaces et Sociétés (MIGRINTER), Poitiers
- Aurélie Varrel - Centre d'études sud asiatiques et himalayennes (CESAH), Aubervilliers
Directrice adjointe scientifique référente : Pascale Goetschel
Chargée de communication : Zoë Cheron
Secrétariat : Pinlai Liu