Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris
Les 1 000 premiers jours de vie dans les populations du présent et du passé, 33 (1) | 2021
La Société d'Anthropologie de Paris (SAP) édite, depuis 1859, les Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris (BMSAP). Cette revue est la plus ancienne publication scientifique au monde dans le domaine de l’anthropologie biologique. Les BMSAP couvrent, de manière pluridisciplinaire, les divers champs de l’anthropologie, aux frontières du biologique et du culturel. À ce titre, la revue publie des études sur l’origine et à l’évolution des Hominines et les processus de peuplements déduits des données archéologiques, génétiques et démographiques. Elle s’intéresse aussi à la dynamique des changements des sociétés et de leurs environnements et aux réponses biologiques, sociales et culturelles qu’ils induisent, à l’archéo-anthropologie funéraire, ainsi qu’à l’histoire de la discipline. Les BMSAP publient, en français ou en anglais, des articles originaux, des revues de synthèse et des notes. Ils publient aussi des comptes rendus de lecture, la liste des thèses soutenues chaque année dans la discipline en France et les résumés des journées annuelles de la Société d’Anthropologie de Paris.
De 1859 à 2009, la production et la diffusion des BMSAP ont intégralement été à la charge de la société savante qui a fait le choix, de 2000 à 2009, d’en diffuser la version numérique sur OpenEditionJournals. Cependant, à partir de 2010, la SAP a confié à des éditeurs professionnels — Springer, puis Lavoisier en 2016 — la diffusion de la revue. Durant cette période, les BMSAP étaient accessibles au moment de leur sortie par abonnement et, dans une majorité des cas, en accès libre après deux ans. Si ce système a permis une meilleure diffusion des bulletins et une concentration du travail des membres de la rédaction sur les aspects scientifiques, il se trouvait néanmoins en contradiction profonde avec les valeurs de science ouverte que porte la SAP.
Pour résoudre ce dilemme, une réflexion sur l’avenir de la diffusion des BMSAP a été lancée en 2018, afin de mettre en place un nouveau modèle de diffusion répondant à deux objectifs principaux : assurer la pérennité de la plus ancienne revue d’anthropologie biologique et, peut-être le plus important, assurer l’accès le plus large possible aux contenus scientifiques.
Deux ans plus tard, grâce au soutien déjà ancien de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS et à l’octroi d’un financement de la part du Fond national pour la science ouverte, la SAP a acté une nouvelle politique de diffusion pour ses bulletins : les BMSAP sont désormais publiés uniquement en version électronique sur la plateforme d’OpenEdition Journals. L’ensemble de leurs contenus est accessible gratuitement dès la mise en ligne, sans frais de publication pour les auteurs (open access diamant1 ).
La périodicité des BMSAP reste pour sa part inchangée, avec deux numéros annuels disponibles en intégralité en avril et en octobre. Chaque numéro fonctionne désormais sur le principe des numéros « ouverts » : les manuscrits sont mis en ligne au fil de l’eau durant les six mois de période d’ouverture de chaque numéro, c’est-à-dire entre la fermeture du volume précédent et l’ouverture du volume suivant, avant que le volume intégral ne soit produit aux formats html, PDF et Epub (pour liseuses électroniques).
La mise en ligne du premier volume intégral en accès libre et gratuit sur le site portail repensé des BMSAP sur OpenEdition Journals, inaugure ainsi l’entrée de la plus ancienne revue au monde d’anthropologie biologique dans l’ère de la science ouverte et gratuite. Il propose cinq articles scientifiques autour de la thématique des 1 000 premiers jours de vie en s’intéressant tout particulièrement aux processus qui régulent le développement et la croissance de l’individu, permettant de générer une morphologie adulte à partir d’une séquence d’ADN. Ces processus sont nombreux et variés. Ils sont généralement désignés sous le terme « épigénétique » qui renvoie aux changements d’activités des gènes en fonction de l’environnement, au sens large du terme, de l’environnement cellulaire jusqu’aux écosystèmes dans lesquels l’individu habite.
Bien que présents durant toute la vie d’un individu, leur rôle pendant les 1 000 premiers jours de vie est crucial. En effet, les processus épigénétiques qui ont lieu depuis la conception jusqu’à l’âge de deux ans entraînent des changements structurels qui détermineront la survie de l’individu et influeront sur toutes les étapes de sa vie. Ce volume thématique s’ouvre avec l’article de Philippe Mitteroecker et ses collègues, invités à rendre tout spécialement compte de l’évolution de la forme du pelvis chez l’homme moderne : les auteurs suggèrent ainsi que les variations morphométriques du bassin observées chez différentes populations ont évolué en réponse à des régimes de sélection locaux. Il aborde ensuite l’analyse des asymétries corporelles chez les individus en très bas âge (période périnatale). Caroline Partiot et ses collaborateurs suggèrent que la latéralisation préférentielle est absente à cette période du développement. Les asymétries aléatoires (fluctuantes) pourraient, en revanche, être considérées comme le marqueur de perturbations du développement et, dans une perspective de comparaison inter-populationnelle, comme l’indicateur de pressions environnementales différentielles.
Les trois notes suivantes fournissent, à partir de l’étude de sépultures, des données qui interpellent sur le rôle social des toutes premières classes d’âge (fœtus, nouveau-nés, enfants) pour différentes périodes historiques et contextes socio-culturels. Frédéric Boursier et ses collaborateurs s’interrogent sur la malnutrition infantile à la fin de l’âge du Fer en s’appuyant sur l’étude paléopathologique d’individus découverts dans une nécropole normande. À travers l’étude d’un espace funéraire consacré à de très jeunes enfants daté du ier au iiie siècle de notre ère, Gaëlle Granier et Richard Pellé mettent en évidence la présence de sépultures dédiées à des fœtus morts in utero et révèlent un possible changement dans le statut social du nourrisson à l’âge de six mois. Dans une perspective semblable, Vanessa Granger et ses collaborateurs présentent leurs résultats de la fouille de sépultures in ecclesia d’enfants âgés de moins d’un an datés des xviie et xviiie siècles. La présence au sein de l’église d’individus décédés en période périnatale est interprétée comme le témoignage de la généralisation du baptême dès la naissance, voire in utero.
En plus des nouveaux numéros qui seront publiés sur le site OpenEdition Journals des BMSAP, cette nouvelle plateforme donne accès à l’ensemble des articles édités par les BMSAP entre 1864 et 1999 (onglet « Numéros sur Persée ») et entre 2000 et 2009 (onglet « Numéros (2000-2009) »). Les contenus publiés entre 2010 et 2015 restent accessibles via les bouquets d'abonnement de Springer, et ceux publiés entre 2016 et 2020 resteront en ligne sur le site de Lavoisier et deviennent accessibles gratuitement deux ans après leur publication. Ainsi, les contenus des BMSAP sont en accès libre jusqu’au numéro 31(1-2) du mois d’avril 2019. Ils devraient prochainement être également disponibles sur OpenEdition, ce qui permettra à terme d'avoir l'intégralité des articles (ou documents) publiés dans les BMSAP en ligne sur un seul et même site.
Cette nouvelle ère qui s’ouvre pour les BMSAP s’inscrit dans cette tendance forte financée par de nombreux pays du monde et qui deviendra bientôt, nous l’espérons ardemment, l’avenir de l’édition scientifique internationale : le partage sans limite de l’information scientifique. La qualité du suivi scientifique et éditorial des contributions reçues continuera à respecter les standards les plus élevés de la production scientifique tout en restant totalement gratuit pour les chercheuses et chercheurs qui soumettront leurs travaux. Les modes de diffusion des connaissances scientifiques doivent être les plus ouverts possibles et accessibles au plus grand nombre, acteurs de la recherche et grand public. Les résultats de la science, déjà financés par des fonds publics, ne doivent en aucun cas servir la spéculation et le financement d’acteurs privés dont l’apport est négligeable si tous les acteurs scientifiques et politiques jouent ensemble le jeu de la science ouverte.
Rédacteurs : Aurélien Mounier, Sacha Kacki, François Marchal, Camille Noûs et Antoine Balzeau
- 1Open Access Diamant : modèle de libre accès aux publications scientifiques sans frais de publication pour les auteurs, ces derniers étant pris en charge en amont par les acteurs publics.