Au Sénégal, un projet de recherche participatif sur les pollutions d’origine humaine
Depuis 2022, le projet AirGeo (CNRS / Université Cheikh-Anta-Diop-UCAD / Belmont Forum) vise à contribuer à la transformation sociale et écologique à travers des enquêtes scientifiques concernant des pollutions d’origine humaine. Grâce à un consortium composé de scientifiques, artistes, acteurs locaux, citoyens et citoyennes, et sous l’impulsion de Yann Tastevin, directeur adjoint du laboratoire Environnement, Santé, Sociétés (ESS, IRL3189, CNRS / CNRST / UCAD / Université de Bamako / Université Gaston Berger), et Mélina Macouin, directrice de recherche CNRS au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (GET, UMR5563, CNRS / CNES / IRD / Université de Toulouse, des premiers résultats concernant la zone Sebikotane-Diamniadio au Sénégal, mis en lumière lors du grand forum Noyyindoo le 1er février dernier, ont vu le jour.

L’objectif du projet AirGeo était de quantifier la pollution atmosphérique, d’identifier leurs sources et de caractériser la nature des polluants, afin d’inviter tous les acteurs à agir et permettre aux habitants de respirer un air plus sain. Grâce à ce projet, de nombreuses collaborations hybrides ont pu voir le jour, ouvrant la voie à de nouvelles formes de travail.
Afin de répondre à l’objectif fixé, des capteurs à base d’écorces ont été mis en place, permettant de procéder à l’évaluation de la qualité de l’air. Ces 190 capteurs « écorces », fruit d’un travail commun entre chercheurs, chercheuses, communautés et artistes, ont permis de répondre directement aux préoccupations des habitants sur la santé environnementale. Les résultats de cette première installation ont été discutés lors du forum Noyyindoo, indiquant alors que l’air respiré dans la zone Sebikotane-Diamniadio contient des particules provenant des activités humaines (usines, routes, combustions de déchets, pneus…) L’étude a également mis en avant la cause des femmes travaillant au bord de la route nationale 2, fortement exposées aux suies émises par les véhicules. C’est également le cas des femmes cuisinant avec du bois et du charbon, non protégées des suies issues de cette combustion.
Ces résultats ont amené les autorités à prendre des dispositions de surveillance et de dépistage, concernant la contamination des sols au plomb par exemple, notamment aux abords de l’ancienne usine présente sur la zone. Avec des teneurs allant de 100 parties par million (ppm) à 1000 ppm, des aménagements urgents sont demandés, un sol étant considéré comme pollué à partir de 400 ppm. Des possibilités de phytoremédiation, c’est-à-dire le potentiel des plantes à stabiliser la contamination, sont en cours d’étude.
Les collaborations hybrides sont également bénéfiques lors du partage de résultats sensibles et de l’élaboration d’actions collectives, sous le mode de la réhabilitation, de la réparation, du réaménagement ou de la régénération. . L’étude ayant montré que les concentrations de zinc étaient, elles aussi, très élevées, même dans des zones éloignées des usines, une surveillance citoyenne s’est mise en place afin de créer un dialogue entre usine, habitants et chercheurs/chercheuses.
Le grand festival forum santé et environnement Noyyindoo , organisé sous l’égide du Ministre de l’Environnement du Sénégal, a mis en lumière ces résultats et connaissances co-construites lors d’enquêtes interdisciplinaires et participatives. De nombreuses initiatives citoyennes portées par le projet AirGeo y ont été présentées dont le premier Observatoire éco-citoyen pour la connaissance des pollutions en Afrique de l’Ouest, soutenu par le CNRS et l’UCAD. Cet observatoire s’est donné pour mission de documenter les changements écologiques et sociaux dans la région de Dakar. Son objectif pour les cinq prochaines années est de répondre à de fortes problématiques environnementales et sanitaires en créant sur place des conditions propices à la recherche scientifique, à la création artistique et au développement d’expérimentations et de collaborations avec les communautés locales à travers une méthodologie qui s’invente sur le terrain.