Frise chronologique • La guerre de la Russie contre l’Ukraine. Repères chronologiques et documents historiques (1991-2022)

Lettre de l'InSHS Histoire

#OUTILS DE LA RECHERCHE

L’invasion de l’Ukraine par la Russie lancée le 24 février 2022 marque un tournant brutal dans les relations russo-ukrainiennes. Choc majeur pour l’Europe, c’est également un conflit aux répercussions mondiales.

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La guerre de la Russie contre l’Ukraine. Repères chronologiques et documents historiques (1991-2022)

Pourquoi avons-nous été dans l’incapacité de voir venir cette guerre ? Comment ce projet expansionniste et impérialiste de l’État poutinien a-t’il pu échapper à la recherche sur l’espace postsoviétique ?

Des signaux, des alertes ont été mal interprétés. Deux exemples viennent à l’esprit : le 10 avril 2021, alors que l’accumulation des troupes russes à la frontière ukrainienne est en cours, Timofeï Sergueïtsev, stratège politique, éditorialiste au journal RIA Novosti, la très officielle agence de presse gouvernementale, publie un éditorial intitulé « De quelle Ukraine nous n’avons pas besoin » dont le contenu laisse penser que les plans d’une invasion à grande échelle de l’Ukraine sont déjà déterminés. Trois mois plus tard, le 12 juillet 2021 dans son discours « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », Poutine se pose en historien et prend le contrôle de la narration historique pour justifier une invasion de l’Ukraine.

La menace représentée par une Ukraine indépendante

« […] Mais le fait est qu’aujourd’hui en Ukraine, la situation est complètement différente puisqu’il s’agit d’un changement forcé d’identité. Et le plus répugnant, c’est que les Russes en Ukraine sont contraints non seulement de renoncer à leurs racines, aux générations ancestrales, mais aussi à croire que la Russie serait leur ennemi. Il ne serait pas exagéré de dire que cette course à une assimilation violente, vers la formation d’un État ukrainien ethniquement pur, agressif envers la Russie, est comparable dans ses conséquences à l’utilisation d’armes de destruction massive contre nous. »
V. Poutine, Discours « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens, 12 juillet 2021

Le projet de dénazification

« L’élimination d’une telle communauté nazie nécessite non seulement de couper le sommet de sa direction, mais aussi de purifier le peuple nazifié lui-même de l’influence nazie et de son implication dans l’idéologie et la pratique nazies. C’est précisément le cas de l’Ukraine, qui a prêté en masse un serment nazi par le biais du vecteur politique en apparence bénin d’“aspiration à l’Europe”, dans le contexte duquel, toutefois, l’“européanisme” est clairement perçu comme un marqueur de supériorité raciale non seulement par les idéologues mais aussi par une partie importante de la population. »
Timofeï Sergueïtsev, RIA Novosti, 10 avril 2021

Pour tenter d’expliquer cette incapacité de penser l’impensable, deux constats s’offrent à nous. Tout d’abord, les textes annonçant et justifiant cette politique ne sont pas toujours accessibles et le régime poutinien tient non seulement en permanence un double discours qui tend à brouiller les pistes, mais il n’a cessé de fluctuer dans sa recherche d’une voie, dans sa construction de sa vision du monde. Enfin, il était sans doute plus confortable pour les gouvernements européens d’ignorer le projet poutinien pour profiter du gaz, du nucléaire ou du pétrole russes et sauvegarder leurs intérêts commerciaux.

L’avènement de la Russie et du nouveau monde

« La troisième dimension des événements actuels est l’accélération de la construction d’un nouvel ordre mondial, dont les contours sont de plus en plus clairement dus au fait que la mondialisation anglo-saxonne est aussi répandue. Un monde multipolaire est enfin devenu une réalité. Dans cette opération en Ukraine, seul l’Occident s’oppose à la Russie, parce que le reste du monde le comprend parfaitement : c’est un conflit entre la Russie et l’Occident, c’est une réponse à l’expansion géopolitique des atlantistes, c’est le retour de la Russie à son espace historique et à sa place dans le monde.

La Chine, l’Inde, l’Amérique latine, l’Afrique, le monde islamique et l’Asie du Sud-Est, plus personne ne croit que l’Occident dirige l’ordre mondial, et encore moins qu’il en fixe les règles du jeu. La Russie n’a pas seulement défié l’Occident, elle a montré que l’ère de la domination occidentale mondiale peut être considérée comme complètement et définitivement révolue. Le nouveau monde sera construit par toutes les civilisations et tous les centres de pouvoir, et ce, évidemment, en collaboration avec l’Occident (uni ou non), mais celui-ci ne pourra plus imposer ni ses termes ni ses règles. »
Éditorial de Pyotr Akopov dans la très officielle agence de presse RIA Novosti, mis en ligne accidentellement le 26 février 2022 et retiré car la publication de ce texte devait avoir lieu après l’occupation de l’Ukraine par la Russie

Si de nombreux textes n’ont pas été traduits ni commentés par les chercheurs, ni de fait mis à la disposition des non-russophones, c’est peut-être du fait de la particularité du discours russe mêlant visions historiques et religieuses très personnelles, promesses de fin du monde purificatrice, assorti d’un langage parfois vulgaire, sexualisé, machiste, qui ne correspondait pas à nos modes de pensée, à nos catégories intellectuelles, ne faisait pas sens. Ces textes ont donc été laissés de côté. Ils sont passés inaperçus dans les cercles intellectuels et les cercles du pouvoir.

Il est essentiel aujourd’hui de mettre à la portée de tous les non-russophones ces textes qui reflètent l’idéologie du pouvoir russe et qui en révèlent sa nature.

Parmi la masse immense de documents disponibles, cette frise chronologique propose, au-delà de la chronologie des événements qui débute en 1991 au moment où l’Ukraine déclare son indépendance (après la chute de l’Union soviétique), une large sélection de documents officiels, de discours des dirigeants, de déclarations, d’appels, de tribunes dont les auteurs sont de hauts responsables russes, mais également ukrainiens et internationaux, ainsi que des personnalités étroitement associées à ces gouvernements, notamment dans les médias étatiques. Ils apportent un éclairage notamment sur la nature du régime russe, les objectifs et le discours des belligérants.

Des interviews de militaires, combattants, maires, gouverneurs, etc. — sont également intégrés à la base donnant à voir l’évolution de la guerre du point de vue de ses acteurs locaux.

Au-delà des sources officielles (sites présidentiels, sites des ministères des Affaires étrangères, plateformes des organisations internationales, agences de presse officielles…), les réseaux sociaux sont devenus un médium de choix pour les gouvernants. Telegram, que la Russie a tenté d’interdire pour y renoncer et finalement l’utiliser, constitue un support tout aussi important que les relais officiels russes.

Les messages violents et haineux de Dimitri Medvedev, ancien président de la Fédération, puis chef du gouvernement, aujourd’hui vice-président du Conseil de sécurité, y sont abondamment déversés et souvent repris par RIA Novosti, l’agence de presse officielle russe.

La haine de l’Occident

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Traduction :
« On me demande souvent pourquoi mes messages sur Telegram sont si durs. La réponse est que je les déteste [NDT : les Occidentaux]. Ce sont des bâtards et des dégénérés. Ils veulent la mort pour nous, la Russie. Et tant que je vivrai, je ferai tout pour les faire disparaître. »
D. Medvedev, Telegram, 7 juin 2022

Les ambassades russes à l’étranger y ont recours pour diffuser la rhétorique officielle autour de la question de la dénazification de l’Ukraine.

L’Ukraine de son côté a fait le choix, pour rester en contact au quotidien avec ses concitoyens, de communiquer par Twitter et Telegram : Zelensky lui-même, Arestovitch son conseiller militaire, des ministres, des ambassadeurs, des gouverneurs, des maires y font des déclarations, des rapports quotidiens pour informer et soutenir le moral de leurs concitoyens ou pour déconstruire la propagande officielle russe.

Échange de tweets entre l’ambassade de Russie et l’ambassade d’Allemagne localisées toutes deux en Afrique du Sud. 5 mars 2022

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Traduction :
Ambassade de Russie : Chers abonnés, nous avons reçu un grand nombre de lettres de solidarité de la part de Sud-Africains, individuels et associatifs. Nous apprécions votre soutien et sommes heureux que vous ayez décidé de nous soutenir aujourd’hui, alors que la Russie, comme il y a 80 ans, combat le nazisme en Ukraine !

Ambassade d’Allemagne : Désolés, mais nous ne pouvons pas rester silencieux sur ce coup, c’est juste beaucoup trop cynique. Ce que la Russie fait en Ukraine, c’est massacrer des enfants, des femmes et des hommes innocents pour son propre profit. Ce n’est certainement pas « combattre le nazisme ». Honte à tous ceux qui
tombent dans le panneau. (Malheureusement, nous sommes un peu des experts du nazisme.)

Outil destiné au grand public mais également outil de la recherche, cette frise offre aux chercheurs et chercheuses la possibilité de lire les documents dans leur traduction française, mais aussi de revenir vers la source du document dans sa langue originale ainsi que vers sa traduction en anglais lorsqu’elle est disponible.

Outil pédagogique à destination des enseignants du secondaire, cette frise permettra aux enseignants de présenter à leurs élèves les deux faces du conflit et de mieux saisir ainsi la temporalité de la crise.

La frise propose un moteur de recherche « plein texte », ainsi que des critères de recherche par pays et organisations internationales. Un système de messagerie donne la possibilité au lecteur d’envoyer directement dans sa boîte mail la référence des textes repérés.

Le corpus présenté dans cette frise n’est pas exhaustif, il sera enrichi progressivement.

  • Création : 21 avril 2022
  • Lancement : 9 juin 2022
  • À ce jour la frise contient plus de 200 documents traduits en français
  • Conception et réalisation : Elisabeth Kozlowski
  • Développement du site web : Pierre Météyé

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Contact

Elisabeth Kozlowski
Ingénieure d'études, Centre d'Etudes des Mondes Russe, Caucasien et Centre-Européen (CERCEC)