Laboratoire Dynamique du langage : 30 ans de réflexion !
#VIE DES LABOS
Le 18 octobre 2024, le laboratoire Dynamique du langage (DDL, UMR5596, CNRS / Université Lumière Lyon 2) célébrait ses trente ans d’existence. L’occasion rêvée pour faire un arrêt sur image et se plonger dans les activités de ce centre… dynamique !

Comment est apparu le langage ? Pourquoi tant de langues différentes sont-elles parlées ou signées ? Quelles surprises les langues non encore étudiées nous réservent-elles ? Au cours de notre vie, comment acquérons-nous la maitrise d’une ou plusieurs langues ? Et quels sont les processus neurocognitifs qui rendent tout cela possible ? Ces questions résonnent dans les couloirs du laboratoire Dynamique du Langage (DDL) depuis maintenant 30 ans.
Créée en 1994 avec le soutien du CNRS et de l’université Lumière Lyon 2, cette unité mixte de recherche est installée à la Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Étienne (MSH LES, UAR2000, CNRS / Université Lumière Lyon 2 / Université Jean-Monnet-Saint-Étienne / Université Jean Moulin Lyon 3). Le dynamisme inscrit dans son intitulé fait écho aux activités foisonnantes de ses membres, mais il traduit aussi l’attention portée aux processus dynamiques qui façonnent les langues et à ceux mis en œuvre par leurs locutrices et locuteurs. Dynamique spatiale, avec la description de langues, notamment à tradition orale, parlées sur divers continents et en tenant compte de leur contexte écologique1 et notamment des contacts entre populations. Dynamique temporelle, en linguistique historique mais aussi, en remontant plus loin dans l’histoire humaine, avec la recherche des origines du langage, si caractéristique de notre espèce. Dynamique tout le long de la vie, en déroulant le fil partant du babillage et de l’acquisition des premiers mots vers la scolarisation et jusqu’au grand âge. Dynamiques sociétales enfin, avec l’étude des politiques linguistiques et des usages, qu’il s’agisse de revitalisation de langues en danger, de bilinguisme, ou de littéracie. Telles sont les activités quotidiennes entreprises à DDL afin de percer les mystères de l’articulation entre la multiplicité des langues et l’universalité de la capacité humaine de langage, les deux facettes d’une même médaille.
Les questions posées en préambule constituent un fil rouge depuis la création de DDL à l’initiative de Jean-Marie Hombert, épaulé par Harriet Jisa et Gilbert Puech. À partir d’un socle portant sur la phonologie des langues africaines, la phonétique et l’acquisition du discours oral et écrit chez l’enfant, les trois décennies écoulées ont vu le laboratoire mener une diversification progressive, à la fois géographique et thématique. Parmi les laboratoires en sciences du langage, DDL se distingue par le spectre très large de ses domaines de recherches, et l’attention portée à la collecte et l’analyse de données selon diverses méthodes. Cela en a fait un fer de lance du Laboratoire d’Excellence ASLAN (Advanced Studies on LANgage complexity), cofondé avec le laboratoire Interactions, corpus, apprentissages, représentations (ICAR, UMR5191, CNRS / ENS de Lyon / Université Lumière Lyon 2) en 2011, puis ouvert au Laboratoire d'informatique en image et systèmes d'information (LIRIS, UMR5205, CNRS / INSA Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1) en 2020. Tout en défrichant de nouvelles problématiques et en cultivant des liens solides avec les disciplines des sciences du vivant (neurosciences et génétique des populations notamment), DDL a toujours su préserver son unité. Ses membres, répartis en deux axes (Développement, Neurocognition, Dysfonctionnements - DENDY et Diversité Linguistique et ses Sources - DiLiS), se retrouvent ainsi autour de thèmes transversaux tels que CoVaLi (Contraintes perceptivo-motrices et variation linguistique) aujourd’hui. Plus généralement, des dizaines de projets d’envergure ont jalonné ces trente ans, grâce à des financements obtenus du CNRS, de l’université Lumière Lyon 2, du ministère de tutelle (via l’Agence nationale de la Recherche notamment), de l’Europe (programmes Eurocores et du Conseil européen de la recherche) et de fondations à objectifs culturels ou éducatifs.

Les travaux scientifiques menés au sein du laboratoire ont eu une influence importante dans le champ des sciences du langage, via notamment des articles publiés dans des revues disciplinaires ou multidisciplinaires de premier plan (Cognition, Journal of Child Language, Language, Nature, PNAS, Science, Science Advances, etc.), mais également par la publication de nombreuses grammaires2 . Les travaux de description linguistique, particulièrement chronophages, constituent le terreau indispensable dont se nourrit la typologie et ils se sont doublés d’un effort important de documentation, notamment dans le cadre d’une quinzaine de projets soutenus par le Endangered Languages Documentation Programme ou dans la réalisation partenariale de bases de données de référence, comme LAPSyD ou DoReCo. Aujourd’hui, les dynamiques enclenchées se poursuivent au travers de la coordination des projets Language Redux (Language geography and the dynamics of linguistic and population prehistory) et AnchorFL (Ancrer l'apprentissage des langues étrangères dans le système moteur) et de la participation aux projets EULALIES (Évaluation des troubles du développement des sons de parole chez les enfants francophones), SYNTOOL (La syntaxe incarnée des outils) ou encore SALTA (Asymétries spatiales à travers les langues : une approche typologique).
Ces projets s’appuient sur les liens tissés au sein d’un réseau étendu de coopération nationale et internationale, une ambition présente dès la fondation du laboratoire. Au fil du temps, nombre des membres du laboratoire ont effectué une partie de leur formation ou occupé des postes à l’étranger et DDL a (co-)organisé à Lyon plusieurs événements de portée internationale, tels que les congrès Syntax of the World Languages en 2010, AFLiCo (Association Française de Linguistique Cognitive) en 2011, Interspeech en 2013, IASCL (International Association for the Study of Child Language) en 2017, ainsi que les écoles d’été tripartites 3L (Lyon, Leiden, London) de documentation/description en 2008 et 2012. Cette dynamique se poursuivra avec l’organisation du 16e congrès ALT (Association of Linguistic Typology) en 2026.
En lien étroit avec ses recherches fondamentales, DDL a continuellement développé des activités en prise directe avec des enjeux sociétaux. Des premiers travaux entrepris sur le langage des personnes implantées cochléaires ou atteintes de la maladie d’Alzheimer aux études actuellement en cours (sur la dyslexie, entre autres), le dialogue sur les troubles du langage et leur remédiation a été continu avec la société, tout comme dans le champ du développement du langage3 et du bilinguisme, ou encore avec les communautés de locuteurs de langues en danger. Cette dimension Science Pour et Avec la Société s’est intensifiée au cours des dix dernières années, avec la création d’une cellule CoMeVal (Communication, Médiation Scientifique, Valorisation). Sur le plan de la communication, l’accent est aujourd’hui mis sur la science ouverte et la mise en accès libre des publications sur HAL, mais aussi des données dont elles sont issues. En médiation, DDL a mis en place un portefeuille d’ateliers variés et cet effort a culminé avec le succès de [kosmopoli:t] conçu à DDL avec l’éditeur de jeux OPLA. Ce jeu de société collaboratif recrée l’ambiance d’un restaurant où les commandes sont passées dans de multiples langues, via des enregistrements authentiques, afin de faire découvrir la diversité linguistique. Enfin, côté valorisation sociétale, deux initiatives récentes ont abouti à la création et à la diffusion d’une mallette pédagogique autour des troubles « dys » (dyslexie, dysgraphie, dyspraxie et dyscalculie) et du coffret « Plus d’une langue », outil à l’adresse des éducateurs et des parents sur le développement du langage en contexte plurilingue. Par ces actions, DDL renforce le lien entre science et société.

Françoise Rose, directrice de recherche CNRS, directrice du laboratoire DDL ; François Pellegrino, directeur de recherche CNRS, DDL
- 1On entend par là l étude de l’environnement physique, social et culturel des locutrices et locuteurs, ainsi que de leurs caractéristiques biologiques et cognitives.
- 2DDL a été le cinquième institut mondial producteur de grammaires entre 2000 et 2016. À ce sujet, voir Seifart F., Evans N., Hammarström H., Levinson S. C.2018, Language documentation twenty-five years on, Language, 94(4).
- 3Notamment autour des Inventaires Français du Développement Communicatif (IFDC).
Effectifs actuels
6 ingénieurs et techniciens permanents, 2 sous contrat
10 chercheuses ou chercheurs CNRS
10 enseignantes chercheuses ou enseignants chercheurs
4 émérites
2 post-docs
17 doctorantes ou doctorants
7 chercheuses ou chercheurs associées