L’anthropologie en partage, un premier focus couronné de succès

Une petite équipe opérationnelle de douze personnes d’horizon divers s’est rapidement mise en place dès l’automne 2021. Cette équipe a imaginé diverses actions de valorisation et s'est réunie tous les mois pour les faire vivre durant ces deux années.

La notion de partage est très vite apparue comme un fil rouge capable de mobiliser les collègues et pouvant permettre d’organiser un certain nombre d’actions collectives à destination de publics divers. La thématique choisie, « L’Anthropologie en partage », permet de couvrir un champ large et déclinable : partage d’objets d’étude, partage des méthodologies, partage sur l’histoire de l’anthropologie, partage générationnel (via notamment les associations vers les scolaires et vers les publics non académiques), partage d’expériences (via des portraits de chercheurs et chercheuses par exemple), partage des terrains, partage des analyses via des méthodologies et des restitutions diverses, partage via de nouvelles formes de médiation, partage avec les autres sciences (aussi bien au sein des sciences humaines et sociales qu’à l’extérieur), partage dans la construction des objets, partage avec le public...

La première action du Focus a été le partage de portraits de femmes anthropologues à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science en février 2022, auquel ont participé trente-six femmes anthropologues. Publiés sur le compte X de CNRS Sciences humaines & sociales, ces portraits mettent en valeur non seulement la variété des profils mais également des institutions de rattachement au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). 

Rapidement, des rubriques dédiées, l’une sur le site web de l’institut, l’autre dans la Lettre de CNRS Sciences humaines & sociales, ont permis de mettre en valeur les publications et les projets signalés par les collègues membres de la très large liste de diffusion créée pour l'occasion. Une quinzaine d'entre eux ont fait l'objet d'un article dédié dans la Lettre, informant ainsi régulièrement la communauté SHS des travaux des anthropologues. Par ailleurs, il était possible, sur simple demande, d'utiliser le logo « Anthropo en partage » pour signaler un événement, un documentaire ou une exposition scientifique en lien avec le Focus, et permettre ainsi une plus grande visibilité sur internet.

Dès la conception du Focus, l'équipe a souhaité se rapprocher de CNRS Le Journal pour créer un blog interdisciplinaire visant à montrer les manières dont l'anthropologie partage ses objets avec les autres sciences. Ainsi que l'explique Jérôme Courduriès dans l'édito, le besoin de ce blog est lié à l'histoire même de la discipline. En effet, pendant longtemps, les anthropologues n’étaient pas seulement des anthropologues : ils étaient mathématiciens, archéologues, juristes, philosophes ou linguistes. Ces trajectoires s’expliquent par la quasi-inexistence, pendant longtemps et tout particulièrement en France, d’enseignements dédiés à l’anthropologie dès le premier cycle universitaire. Elles se justifient aussi par le besoin qui s’est fait jour, dans de nombreux champs scientifiques et du débat social, de se saisir de l’altérité culturelle. Il n’est donc guère étonnant de trouver encore aujourd’hui, parmi les anthropologues, des transfuges également formés en médecine, en droit, en histoire ou en philosophie, et qui continuent parfois même à exercer dans ces autres disciplines.

Cette histoire particulière de l’anthropologie fournit un terreau fertile au dialogue interdisciplinaire au sein des sciences humaines et sociales et au-delà. Comme l'illustrent les articles publiés depuis mars 2023, des anthropologues collaborent avec des chercheurs et chercheuses d’autres disciplines, des praticiens, des spécialistes afin de mieux comprendre des phénomènes sociaux complexes qui soulèvent de nombreuses questions pour la science et souvent pour le reste de la société. Ce blog qui comporte près d'une vingtaine d'articles à ce jour, souhaite mettre en lumière ces collègues et ces recherches d'un grand dynamisme. Il a vocation à continuer au-delà de ce Focus précis. 

Si le blog et les articles dans la Lettre ont constitué un fil d'information régulier tout au long du Focus « Anthropologie en partage », des événements particuliers ont été également organisés durant ces deux années afin de faire connaître le travail des anthropologues à l'extérieur du cercle académique.

C'est ainsi qu'un concours photo a été lancé en septembre 2022. Ouvert à toute personne se reconnaissant comme anthropologue, sans distinction d’emploi, de statut ou de section, il mettait l'accent sur les images de terrain réalisées dans le champ de l'anthropologie sociale et culturelle. Les personnes intéressées pouvaient envoyer jusqu'à trois photographies exprimant la notion de partage avec un texte explicitant le contexte, le point de vue exprimé et, si nécessaire, la narration formée par le choix de plusieurs photographies. Le jury, constitué de spécialistes de la photographie, a sélectionné seize projets sur la soixantaine reçus1  et a remis trois prix lors d'une séance publique au Salon de lecture Jacques Kerchache du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac le 9 février 20232 . Les seize séries de photos lauréates font l’objet d’une exposition itinérante qui a déjà beaucoup voyagé à travers la France et qui partage avec le plus grand nombre les regards particuliers et singuliers que les anthropologues portent sur le monde. Cette exposition a vocation à continuer sa route au-delà de 2024 et il est possible de la réserver auprès de CNRS Images.

L'expression de la recherche anthropologique par l'art n'est pas uniquement le fait de la photographie ou du film3  ; elle peut également passer par la collaboration avec des artistes qui — par des expressions singulières, denses et sensibles des travaux de recherche — permettent de faire émerger des questionnements nouveaux et de faire émerger des émotions chez les spectateurs. L'événement « L’Anthropo fait son show », organisé au Hasard Ludique à Paris le 30 avril 2024, avait justement pour but de montrer ce que donnent concrètement les collaborations des anthropologues avec des artistes du spectacle vivant et de découvrir des spectacles et des performances (musique, conte, mimes, danse, jonglage, graff) qui sont une des formes possibles de l'anthropologie contemporaine4 . Un reportage réalisé par Céline Ferlita, réalisatrice audiovisuelle au sein du laboratoire Appui à la recherche et à la diffusion des savoirs (ARDIS, UAR2259, CNRS), permet de garder trace de ce magnifique moment de partage tout comme les croquis sur le vif de la dessinatrice Marine Schneck.

Mais comment expliciter le travail des anthropologues et partager les parcours singuliers et les manières d'appréhender les sujets d'étude au-delà du milieu académique ? La bande dessinée est très vite apparue comme un média idéal pour incarner auprès d'un public curieux la réalité d'une profession peu ou mal connue. Grâce à CNRS Éditions, la bande dessinée Anthropologues ! est parue le 2 mai 2024. Cet ouvrage, destiné prioritairement à un public scolaire, présente dix-sept recherches incarnées, évoquant tant les modistes parisiennes que les gangs portoricains ou les tatoueurs samoans. Fruit d'une collaboration entre une graphiste du CNRS au dessin et des collègues qui ont accepté de partager leur parcours et leurs terrains, cette bande dessinée permet de diffuser largement les objets étudiés par la discipline et de continuer à la valoriser au-delà du Focus de CNRS Sciences
humaines & sociales5 .

Le Focus « Anthropologie en partage » a permis de mettre la lumière sur une discipline très dynamique et particulièrement connectée aux atermoiements et aux évolutions de nos sociétés contemporaines. De belles rencontres ont eu lieu durant ces deux années, de belles réalisations resteront qu'il faudra continuer de valoriser. Et puis, d'autres projets sont en cours et vont émerger grâce aux différents collectifs d'anthropologues en France toujours plus actifs et inventifs. Il est temps, à présent, de laisser la place au prochain focus de CNRS Sciences humaines & sociales consacré aux sciences du langage. Son comité de pilotage a promis de beaux événements et de belles surprises.

• 1Le projet était coordonné par Marie Mabrouk. Le jury était constitué de Sylvaine Conord (Université Paris Nanterre), Saskia Cousin (Université Paris Nanterre), Emir Mahieddin (CNRS), Claire Kulaga (CAES CNRS), Audrey Dessertine (Association EthnoArt), Joséphine Lavirotte (CNRS Images).
• 2Les trois prix ont été décernés à Camilo Leon-Quijano (1er prix), Sandrine Ruhlmann (2ème prix) et Melissa Kodituwakku (Coup de coeur du jury).
• 3Films que l'on peut découvrir chaque année lors du Festival international du film ethnographique Jean Rouch ou lors de Focus, Salon des écritures alternatives en sciences sociales. Nombre de films sont visibles grâce au catalogue de CNRS Images.
• 4Ce projet était coordonné par Nacira Oualli, avec la participation de Caroline Bodolec, Zoë Cheron, Frédérique Fogel, Armelle Leclerc, Anne Monjaret et Marie Mabrouk.
• 5Ce projet était coordonné par Frédérique Fogel, Armelle Leclerc, Anne Monjaret, et Emmanuelle Seguin qui est également la dessinatrice de l ouvrage.