Le chien aurait été domestiqué en une seule fois, il y a entre 20 000 ans et 40 000 ans

Le chien aurait  été domestiqué en une seule fois, il y a entre 20 000 ans et 40 000 ans. Ces résultats, publiés dans Nature Communications, vont à l’encontre d’une étude controversée de 2016 qui suggérait que les chiens avaient été domestiqués en deux épisodes distincts. Ils appuient des recherches précédentes qui repoussaient la période de domestication du chien à  40 000 ans avant notre ère.

Cette nouvelle étude, à laquelle a participé l’archéozologue Rose-Marie Arbogast 1  , est basée sur l’analyse du génome complet (à partir de prélèvements sur l’os du rocher, un élément de l’oreille interne) de deux chiens datés du Néolithique découverts sur des sites archéologiques en Allemagne. Le premier provient du site de Herxheim, dans le Palatinat, daté de la fin du VIè millénaire av. J.-C. qui correspond à une enceinte, à vocation probablement cérémonielle, attribuée à la culture à céramique linéaire 2 . Le deuxième provient, d’un niveau d’occupation daté du Néolithique final du site de la Kirschbaumhöhle, en Franconie 3 . Les données provenant d’un spécimen de chien vieux de 5 000 ans retrouvé en Irlande sur le site de New grange ont également été intégrées. Les données sur les séquences de génomes anciens ont ensuite été comparées avec les données génétiques provenant de 6 649 canidés, incluant des chiens modernes et des loups. L’analyse montre une continuité entre les lignées  anciennes de chiens européens et avec les populations récentes contredisant l’hypothèse d’un remplacement des populations de chiens européens par des chiens d’origine asiatique au cours du Néolithique, postulée par une étude précédente parue dans Science en 2016. Les données paléogénétiques montrent aussi que les chiens néolithiques présentent la plupart des caractéristiques associées à la domestication mais que l'adaptation à un régime riche en amidon est probablement arrivée plus tardivement. Les données réunies dans cette étude permettent d’estimer que les chiens et les loups ont divergé génétiquement il y a entre 36 900 ans et 41 500 ans, et que les chiens de l’Est et de l’Ouest se sont séparés entre 17 500 à 23 900 ans. D’après ces résultats, la période de domestication doit avoir eu lieu entre ces deux événements, c’est-à-dire quelque part entre 20 000 et 40 000 ans. Ces dates sont contradictoires avec l’hypothèse d’une double domestication du chien proposée dans l'étude publiée dans Science en 2016. Cette étude comparait des séquences génétiques de 59 chiens anciens, dont celui d’Irlande, et en a déduit que les populations de chiens de l’Est et de l’Ouest se sont séparées, il y a 6 400 à 14 000 ans. Cette séparation s’étant produite des milliers d’années après la première apparition du chien connue en Europe et en Asie de l’Est, l’équipe avait suggéré que le processus de domestication avait dû se dérouler à peu près en même temps. Si cette nouvelle étude apporte un peu de clarté sur la chronologie et les modalités de la domestication du chien, elle ne clôt pas le débat, toujours très vif, au sujet de l’origine et de l’ancienneté du meilleur, si ce n’est du plus vieil, ami de l’homme. 
Cette recherche a pu aboutir grâce à la collaboration étroite entre des archéologues, des archéozoologues et des paléogénéticiens et ce partenariat sera aussi déterminant pour réunir des données supplémentaires relatives aux génomes d’autres anciens chiens pour continuer à faire avancer la recherche sur cette question de la première domestication animale.

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Restes osseux de chiens du site de Herxheim
©R.-M. Arbogast

 

L’un des restes de chien  impliqué dans cette étude,  a été découvert dans le remplissage du fossé interne du site de Herxheim (Palatinat, Allemagne). Cette structure a livré  un important ensemble de restes osseux dont l’une des caractéristiques les plus remarquables réside dans l’importante représentation du chien auquel se rapportent un peu plus de 250 restes ce qui représente, pour  le Néolithique ancien d’Europe occidentale, la série d’ossements la plus importante disponible pour cet animal.

Ces ossements de chien proviennent de toutes les parties du squelette avec une sur-représentation marquée des parties crâniennes par rapport au rachis et aux membres. Les mandibules qui correspondent à la partie squelettique la plus représentée attestent la présence d’au moins 13 d’individus. La répartition de ces ossements de chien au sein du fossé interne est marquée par la présence de concentrations formées d’éléments anatomiquement proches (crâne et vertèbres cervicales, tronçon de colonne vertébrale, éléments de membres…) correspondant à des parties de squelettes dont certaines encore en connexion anatomique. Ces ossements sont par ailleurs peu fragmentés et présentent des marques de brûlures et des traces de découpe. Ces caractéristiques suggèrent qu’il s’agit de restes d’animaux qui ont été préparés pour la consommation et qui ont fait l’objet de diverses préparations (découpe en quartiers, cuisson par rôtissage à la flamme…). Ces restes de chien se retrouvent mêlés à  d’autres restes d’animaux ainsi  qu’à  de très nombreux ossements humains dont l’état de fragmentation systématique et très intense, la présence de nombreuses traces de désarticulation, de découpe et de raclage des chairs,  attestent de pratiques de cannibalisme (Boulestin et al. 2009, Boulestin et Coupey  2015).

D’après les caractéristiques biométriques (mesures de largeurs et de longueur des ossements et des dents), les restes de chiens de Herxheim se distinguent  de ceux de loups de sites datés du Néolithique (Arbogast et al. 2005) par leurs dimensions relativement modestes. Les mesures de la première molaire s’inscrivent parfaitement dans les limites de variation des dents de chiens d’autres sites néolithiques et se distinguent de celles de dents de loups par leurs mensurations nettement moins importantes. Les mesures de longueurs disponibles pour la plupart des os longs, permettent d’estimer la hauteur au garrot de ces animaux à environ 46 cm, soit une stature assez proche de celle de chiens d’autres sites du Néolithique ancien mais plus importante que celle relevée sur des sites néolithiques plus récents (Arbogast et al. 2005). Cette différence peut s’expliquer par une évolution des chiens de Herxheim moins marquée par les effets de la domestication et de la diminution de taille qui en est un des marqueurs les plus caractéristiques.

Références :

Arbogast et al. 2005 : ARBOGAST R.-M., Deschler-Erb S., Marti-Grädel E., Plüss P., Hüster-Plogmann H. et Schibler J. 2005. Du loup au "chien des tourbières". Les restes de canidés sur les sites lacustres entre Alpes et Jura. Revue de Paléobiologie (déc 2005), vol spéc. 10, p. 171-183. Boulestin B. & Coupey A.-S. 2015 : Cannibalism in the Linear Pottery Culture:The Human Remains from Herxheim. Archaeopress Archaeology, Oxuniprint, Oxford, 144 p. Boulestin B., Zeeb-Lanz A., Jeunesse C. , Haack F., Arbogast R.-M. et Denaire A. 2009. "Mass cannibalism in the Linear Pottery Culture at Herxheim (Palatinate, Germany)", Antiquity, 83, 322, p. 968-982.

 

En savoir plus sur l'unité Archéologie et Histoire Ancienne : Méditerranée et Europe (ARCHIMEDE)

 

 

  • 1UMR 7044 CNRS, ARCHIMEDE Université de Strasbourg et Musée zoologique de Strasbourg
  • 2 14C 5,223–5,040 cal. BCE(95.4%) 6186±30, calibrated with OxCal 4.2 (ref. 36) using the IntCal13 calibration curve37
  • 314C 2,900-2,632 cal. BCE (95.4%) (Erl-18378: 4194±45, calibrated with OxCal 4.2 usingthe IntCal13 calibration curve).

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