Le jeûne du ramadan rendrait la justice plus clémente
Justice et jeûne font-ils bon ménage ? Lors du ramadan, les juges indiens et pakistanais de confession musulmane font preuve de plus de clémence. C’est ce que démontrent des chercheurs en économie par l’analyse de 380 000 dossiers judiciaires instruits par 8 500 magistrats. Ce travail de recherche vient de donner lieu à la publication d’un article dans la revue scientifique internationale Nature Human Behaviour.
Les rites et coutumes sont présents dans toutes les sociétés humaines connues. Qu’ils soient religieux ou culturels, ils peuvent influencer la capacité d’un individu à prendre des décisions en lui imposant des contraintes morales ou physiologiques. Les économistes Sultan Mehmood, professeur à la New Economic School de Moscou, Avner Seror, enseignant-chercheur à l’unité Aix-Marseille Sciences Économiques (AMSE, UMR7316, CNRS / AMU), et Daniel Li Chen, directeur de recherche CNRS au sein de TSE-Recherche (TSE-R, UMR5314, CNRS / Inrae / Université Toulouse 1 Capitole), révèlent que durant le ramadan — une période de jeûne et de piété —, les juges pakistanais et indiens de confession musulmane prononcent plus d’acquittements et voient leurs décisions être moins contestées en appel ou annulées. Cet excès de clémence se fait sans impact sur le taux de récidive.
Leurs résultats reposent sur l’analyse des décisions de 917 juges pakistanais de 1950 à 2016 et de 7 668 juges indiens de 1997 à 2018, soit respectivement 5 848 et 372 089 affaires pénales. Ce jeu de données couvrant une grande période a permis d’écarter les effets saisonniers liés au changement annuel de dates du ramadan. Les variations dans la durée des journées, entre années et au sein du territoire étudié, a révélé l’influence de la longueur du jeûne. Ainsi, chaque heure supplémentaire de jeûne par rapport à la moyenne augmente de 10 % le taux d’acquittement tout en diminuant de 3 % le taux d’appel et de 5 % le taux d’annulation.
Ces résultats prouvent qu’un rituel religieux avec un milliard de pratiquants, le ramadan, influe sur des décisions à fort enjeu.
Référence
Mehmood S., Seror A., Chen D.L. 2023, Ramadan fasting increases leniency in judges from Pakistan and India, Nature Human Behaviour.
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