Un semestre pour favoriser les réflexions entre IA et humanités numériques
Dans le cadre de son plan stratégique sur l’intelligence artificielle (IA), le CNRS a lancé son centre IA pour la Science et Science pour l’IA (AISSAI). L’objectif principal de ce centre est de structurer et d’organiser les actions transverses impliquant l’ensemble des instituts du CNRS aux interfaces avec l’IA. Le 1er janvier 2024, le Centre AISSAI est devenu une unité d’appui et de recherche du CNRS (UAR2036).
Facteur de visibilité du positionnement du CNRS sur l’IA, le centre organise notamment des trimestres thématiques sur des sujets pluridisciplinaires pour lesquels l’IA et la science des données sont importantes. Ces trimestres sont l’occasion d’une réflexion profonde sur des sujets de pointe à l’interface entre l’IA et les autres sciences, et comptent de nombreux événements, notamment des écoles à destination de chercheurs et chercheuses des différentes communautés, des conférences, des workshops, des webinaires ou des hackathons. Le centre AISSAI a souhaité dans ce cadre soutenir un semestre thématique sur l’IA et les humanités numériques.
Depuis quelques années, les approches computationnelles, y compris l'IA, enrichissent les méthodes des humanités numériques. Cela se traduit par exemple dans l'analyse de la composition d'œuvres picturales, l'attribution d'auteur à des textes littéraires, scientifiques et journalistiques, la reconnaissance automatique de textes manuscrits ou encore l'analyse de réseaux complexes de circulation des savoirs. Le semestre thématique IA/HN vise à créer les conditions d'une réflexion pragmatique et prospective sur les pratiques et les objets qui émergent à l'interface entre l'IA et les humanités numériques.
Dans ce croisement, les questions classiques et fondamentales des humanités se trouvent renouvelées tout en éclairant les nouvelles problématiques de l'IA. Ainsi, la question de l'intégration des connaissances des experts, qui revêt en IA des dimensions touchant aux ensembles de données, aux architectures algorithmiques et aux mathématiques, renouvelle en sciences humaines les questions des formes d'érudition, des modalités d'accès aux sources et de la constitution des corpus.
Les humanités sont ainsi conduites à une explicitation, via l'IA, d'opérations qui restent souvent du domaine du talent ou de l'intuition des chercheurs individuels. Cet effort de transparence et d'explicitation construit en retour des voies et des méthodes pour l'intégration des connaissances des experts en IA.
De même, la question de l'explicabilité affecte également de manière globale les dimensions des données algorithmiques et mathématiques de l'IA, en rencontrant des questions fondamentales des humanités numériques. Par exemple, les relations entre les niveaux micro et macro d'analyse en sciences humaines, ou entre les catégories émiques et étiques, sont profondément transformées par les algorithmes d'IA, qui tissent de nouveaux liens au cœur de ces polarités essentielles aux humanités. En retour, l'approche critique nécessaire des humanités, où un résultat n'a de sens que si la démarche qui le produit peut être mise en relation avec d'autres résultats et d'autres méthodes, contribue à la construction concrète de l'explicabilité et de la transparence de ces algorithmes.
De nouveaux types de collectifs de recherche interdisciplinaires se construisent autour de ces thèmes de recherche émergents en France, en Europe et à l'international. Pour les humanités, cela correspond à une tendance à long terme où les méthodes d'analyse et d'acquisition de données s'appuient de plus en plus sur les sciences naturelles et computationnelles. Pour l'intelligence artificielle, cela correspond à la nécessité de se confronter à des ensembles de données réels et complexes afin de répondre, par exemple, aux défis de l'explicabilité et de l'intégration des connaissances des experts. Le semestre thématique IA/HN a également pour objectif d'accompagner et de contribuer à structurer la constitution de ces nouveaux collectifs de recherche sur le plan national et international.
Le semestre qui aura lieu du 16 septembre au 15 décembre 2024 s’organise autour de cinq chaires de professeurs invités en collaboration avec des unités du CNRS, l’organisation de huit workshops, d’une semaine de cours intensifs, et d’une conférence internationale.