La Revue d’histoire des sciences : la pérennité d’un projet éditorial
La Revue d’histoire des sciences (RHS) a été lancée en 1947 par Henri Berr, également fondateur de la Revue de Synthèse, qui souhaitait donner à l’histoire des sciences une véritable reconnaissance en lui dédiant une revue spécifique. Elle s’est dès lors imposée comme la principale revue généraliste de son domaine en respectant le vœu de son fondateur qui était qu’elle « travaille en profondeur ». Au fil des années, la RHS a maintenu les mêmes objectifs éditoriaux avec des volumes constitués en général de cinq ou six articles auxquels s’ajoutent des analyses d’ouvrages. Ainsi, ce sont environ 5 000 articles d’histoire des sciences qui ont été mis à la disposition des lecteurs dans les domaines les plus variés, des mathématiques à la géologie, en passant par l’astronomie, la physique, la chimie, les sciences de la vie… sans limites de périodes et d’aires géographiques.
L’ambition de la RHS est de publier des travaux originaux devant marquer l’historiographie et les auteurs ne s’y trompent pas en lui adressant leurs articles. Comme le confirme le bilan dressé en 2022 dans le dossier commémorant les 75 ans de sa création, la RHS est orientée vers l’histoire conceptuelle, tout en sachant s’ouvrir à d’autres approches qui ont marqué l’évolution de la discipline. Outre de nombreux varias, depuis son commencement la RHS propose environ une fois par an un dossier réunissant des spécialistes d’une thématique choisie. Ces quelques exemples témoignent de la diversité thématique : en 1948 le premier dossier fut consacré à Mersenne ; « Pascal et les mathématiques » en 1962 ; « Georges Cuvier » en 1969 ; « Centenaire de la naissance de Jean Perrin » en 1971 ; « Les Principia de Newton : Questions et commentaires » en 1987 ; « Enseignement et sciences naturelles au xixe siècle » en 1998 ; « Mathématiques et physique leibniziennes », un double dossier publié en 2001 ; « Sciences et médecine entre l’Asie orientale et l’Europe (xviie-xxe siècles) » en 2017 ; « Cinquante ans après, Le Hasard et la nécessité et La Logique du vivant » en 2020.
Le dernier en date, publié en décembre 2024, est intitulé « Margaret Cavendish : Un nouvel ordre de la nature ? » Il s’avère d’ores et déjà qu’il fera date dans l’historiographie, comme l’a laissé présager la richesse des échanges qui ont eu lieu lors de la table ronde organisée en novembre dernier à l’École normale supérieure réunissant les auteurs des articles constituant ce dossier. Au cours de ces cinq dernières années, l’équipe de rédaction s’est en effet attachée à organiser chaque année une table ronde sur le thème d’un dossier récemment publié. Ces évènements visent à développer une vie scientifique extra-éditoriale autour de la revue et à diversifier ses modes de relations avec son lectorat.
Quant à sa méthode, la RHS se donne comme ambition de réaliser un travail éditorial mené avec rigueur et bienveillance à l’égard des auteurs. Sur le plan technique un grand soin est apporté à la préparation des textes publiés, l’équipe étant convaincue qu’il s’agit-là d’une valorisation essentielle de la pensée portée par le texte. Ceci est rendu possible par la présence d’un secrétaire de rédaction, agent du CNRS, qui partage son temps entre la RHS et Arabic Sciences and Philosophy. Comme il se doit, ce dernier travaille en étroite collaboration avec le comité de rédaction constitué de sept membres, dont le rédacteur ou la rédactrice en chef. Ensemble, ils réalisent la sélection des articles reçus et leur suivi éditorial personnalisé jusqu’à la publication. Les articles, en français ou en anglais, sont soumis à une expertise en double aveugle pour laquelle les meilleurs spécialistes sont sollicités. La RHS fonctionne en effet avec un comité de lecture dit ouvert, sans liste limitative, ceci lui permettant de s’adapter à la grande diversité thématique des articles reçus. La RHS possède également un comité scientifique dont la composition (entre quinze à vingt-cinq membres) vise à être représentative de la diversité du champ ; il a pour mission d’accompagner le comité de rédaction, par ailleurs totalement autonome sur le plan scientifique, dans la mise en œuvre de sa politique éditoriale. Au quotidien, la vie de la revue se déroule à l’École normale au sein du Centre d'Archives en Philosophie, Histoire et Édition des Sciences (CAPHES, UAR3610, CNRS / ENS-PSL) qui accueille désormais un très actif pôle éditorial.
La RHS, qui est la propriété de la Fondation pour la science, est actuellement éditée par Armand Colin, une marque des éditions Dunod, et deux numéros paraissent chaque année, en juin et décembre. Elle est aujourd’hui diffusée sous une forme à la fois papier et numérique et, depuis le 1er janvier 2024, les numéros sont disponibles gratuitement dès leur parution sur la plateforme Cairn, les éditions Dunod ayant en effet choisi de participer au plan de soutien à l'édition scientifique française. Une publication telle que la RHS est porteuse d’une longue tradition, elle se doit de conserver ses acquis, mais également d’innover et de s’adapter, l’évolution vers les supports numériques est l’une de ces nécessités.
La RHS constitue un patrimoine intellectuel dont l’équipe de rédaction porte la responsabilité et il était indispensable qu’elle s’inscrive dans une logique de transmission qui a été clairement intégrée dans les statuts de la revue établis en 2017. Ainsi, des modalités adaptées de remplacement des membres du comité de rédaction assurent une continuité dans l’esprit de la revue et une passation efficace de l’expérience acquise. Un nouveau comité de rédaction pilote aujourd’hui la RHS, tâche passionnante au quotidien dont le fruit témoigne de la profondeur des travaux des historiennes et des historiens des sciences. La RHS, aux côtés des autres revues du domaine, est un instrument académique essentiel pour le développement d’une recherche dynamique et de qualité en histoire des sciences.
Stéphane Tirard, rédacteur en chef de la Revue d’histoire des sciences de 2017 à 2024