La santé sous le regard des sciences humaines et sociales

Lettre de l'InSHS Sociologie Science politique

#ZOOM SUR...

CNRS Sciences humaines & sociales a fait de la santé une de ses priorités thématiques. Cette priorité s’inscrit dans une histoire longue de l’investissement des questions de santé par les sciences humaines et sociales. Ce sont en effet l’ensemble des disciplines qui ont investi cette thématique : sociologie, science politique, histoire, philosophie, géographie, économie, anthropologie, psychologie et psycho-linguistique, droit, littérature. D’où l’enjeu que CNRS Sciences humaines & sociales se saisisse de cette question car il en permet une approche transversale, tout à fait originale à l’échelle des organismes de recherche, notamment à travers ses nombreuses unités mixtes de recherche qui ont un de leurs axes — et donc plusieurs de leurs chercheuses et chercheurs — travaillant sur ces questions.

Les recherches en sciences humaines et sociales de la santé ne se confondent pas avec la santé publique, même si certaines d’entre elles contribuent à constituer des savoirs utiles aux politiques de santé publique. Nous avons ainsi souhaité dans ce dossier souligner dans quel paysage plus large s’inscrivent les recherches en santé, particulièrement en santé publique. Nous avons demandé à Mélanie Simony au nom de l’Institut pour la Recherche en Santé Publique(IReSP) de bien vouloir présenter son rôle dans l’écosystème de la recherche en santé publique. Les acteurs de la santé publique sont parfois moins visibles depuis les laboratoires de sciences humaines et sociales ou parmi les chercheurs et chercheuses relevant de ces disciplines ; c’est pourquoi il nous a semblé important de prendre le temps de présenter ce groupement d’intérêt scientifique qui permet de financer et d’accompagner des recherches dans différents domaines de la santé publique, dans lesquels les SHS ont toute leur place à prendre.

Cet investissement ancien sur différents enjeux de recherche en santé s’est doublé d’un intérêt inédit autour de thématiques rendues particulièrement saillantes par les crises récentes, qu’il s’agisse de l’épidémie de Covid-19 ou, plus largement, des crises environnementales voire géopolitiques de ces dernières années qui ont des impacts importants sur la santé. De nouvelles initiatives ont ainsi été impulsées par CNRS Sciences humaines & sociales notamment en interaction avec les dynamiques scientifiques existantes sur le Campus Condorcet. Depuis 2020, l’institut, avec l’appui de financements spécifiques du ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, développe la plateforme SHS Santé et pilote les projets de recherche parties prenantes du programme « Du monde d’avant au monde d’après (MAMA) », dont un des projets est présenté par Céline Vacchiani-Marcuzzo. Comme Alexis Spire le développe dans son article de présentation, la plateforme SHS santé a pour vocation de fédérer et structurer des recherches autour des enjeux de santé à l’échelle du Campus Condorcet. Cette plateforme accompagne aussi le développement et la valorisation  des projets de recherche Du monde d’avant au monde d’après dont un exemple est développé dans ce dossier et dont les résultats sont progressivement mis en ligne sur le site de la plateforme.

Parmi les enjeux sanitaires émergents, CNRS Sciences humaines & sociales a particulièrement investi les questions liées à la santé environnementale. Cela a notamment été le cas à travers le dispositif des SOSI (Suivi Ouvert des Sociétés et de leurs Interactions) dont certains sont centrés sur la santé environnementale et la santé au travail. L’institut a en effet souhaité structurer une série d’initiatives cherchant à mettre en évidence, dans le cadre d’une approche s’inscrivant dans la longue durée, l’impact de certaines pollutions présentes dans l’environnement ou les situations de travail. L’exemple du SOSI développé autour du couloir de la chimie lyonnais, sous la responsabilité de Gwenola Le Naour, illustre bien cette volonté de documenter et de rendre visible des pollutions, notamment celles dus aux polluants dits éternels. Pour compléter ces réflexions sur la santé environnementale, il nous a semblé intéressant de mettre en avant un projet mené en philosophie des sciences autour de la question de l’exposome par Francesca Merlin et ses collègues. Alors que cette notion est de plus en plus mobilisée dans des espaces scientifiques et politiques de plus en larges, ce projet entend ouvrir des pistes et des perspectives pour voir dans quelle mesure cette notion peut permettre d’ouvrir de nouvelles voies de recherche en santé environnementale.

Emmanuel Henry, directeur adjoint scientifique, CNRS Sciences humaines & sociales